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Éditos Politique

« Les Françaises et les Français » exigent le « consensus ». Vraiment ?

Ce qu’il y a d’extraordinaire avec les femmes et les hommes politiques, c’est qu’ils ont toujours parfaitement compris la population. Pas une interview sans que l’on entende “Les Françaises et les Français pensent, attendent, veulent…”. Point de sondages pour étayer ce don de divinité généralisé, mais un bel exemple de méthode Coué. Le patient à convaincre, c’est l’électeur. Et le message asséné est très gaullien : “Je (moi seul) vous ai compris”. Le tout saupoudré de la même dose de perfidie que lors du discours d’Alger. Là où, bien avant les “promesses qui n’engagent que ceux qui y croient” de Charles Pasqua, De Gaulle avait inventé le “mettez dans ma citation ce que vous voulez y trouver”. En résumé, nos élus sont forcément ceux qu’il faut suivre parce qu’ils veulent ce que les “Françaises et les Français” veulent.

Outre la supposition qui voudrait que la population sache parfaitement ce qui est bon pour elle, ce qui — osons le dire — est loin d’être évident si l’on considère les derniers résultats électoraux, cette affirmation sous-entend que les Françaises et les Français seraient un tout homogène souhaitant aller dans la même direction. Or, les dernières législatives ont montré tout le contraire : jamais les électeurs n’ont été aussi divisés, jamais la France n’a été aussi fragmentée. Tous veulent un mieux dans leur vie quotidienne, après des années de paupérisation de la population, mais les chemins qu’ils choisissent pour y arriver diffèrent radicalement.
 Il y a d’abord ceux qui veulent changer le système pour plus de justice sociale. Ceux qui tendent peu ou prou vers le même objectif, mais en imaginant qu’une réforme de l’actuel suffira. D’autres misent tout sur une économie “libérée” en arguant que le plein emploi suivra. Enfin, last but not least au regard du vote, il y a ceux qui pensent que leur situation va s’améliorer si celle des autres, les moins Français qu’eux, se dégrade. Une belle cohésion d’idées en effet. 

Expliquez-nous ce qu’il faut en penser

Toujours au chapitre des éléments de langage, ce sont les commentateurs, cette fois, qui n’ont de cesse d’avancer que « Nous avons les politiques les plus bêtes du monde ». La France va mal, elle est surendettée et les Français, encore eux, réclament à cor et à cri un « consensus » pour sortir du marasme ambiant. Ce qu’est incapable de faire cette classe politique en dessous de tout. Ne revenons pas sur cette population une et indivisible qui demande d’une seule voix (après les politiques devins, voici le don de clairvoyance des commentateurs), mais attachons-nous plutôt à savoir ce que devrait être le « consensus », ce petit miracle censé régler tous nos problèmes.

Le « consensus » est ni plus ni moins que la recette libérale en version molle, c’est-à-dire tout aussi violente pour les populations, mais beaucoup moins assumée dans le verbe. On lance un grand plan de rigueur, qui n’en a pas le nom, tout en s’efforçant de mettre en avant une ou deux mesurettes laissant à croire que les populations sont (un peu) préservées. Les politiques les plus à droite sont satisfaits de la direction prise quand les plus « modérés » se satisfont de n’avoir « rien lâché » sur les  mesurettes. C’est clairement la feuille de route macroniste depuis le début des deux quinquennats. Tout comme celle des gouvernements Barnier et Bayrou. Quel que soit l’avis des Français, qui, sur le coup, se sont très majoritairement accordés sur le rejet de cette politique, le menu reste le même. Et c’est là que les Athéniens s’atteignirent. La censure tombe et les commentateurs dominants stigmatisent les « politiques les plus bêtes du monde », incapables de se mettre d’accord a minima sur ce consensus. En clair, ils reprochent aux politiques d’avoir des convictions. Alors loin de nous la naïveté de penser que nos élus sont irréprochables, qu’ils n’ont que l’intérêt général en tête et jamais de pensée ou d’objectif caché. Mais avancer qu’ils sont tous « pourris » ou, dans le cas présent « idiots », serait trop simple. Et surtout une concession de plus au populisme ambiant.

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