Un nouveau Nutri-Score plus performant mais toujours pas obligatoire
Alors que plus de 8 millions de Français sont obèses et que la prévalence du diabète ne cesse d’augmenter, la nouvelle notation nutritionnelle a été validée ce vendredi sans caractère coercitif.
De A à E, du vert au orange foncé selon la qualité nutritionnelle : le Nutri-Score, présent sur 60% des produits alimentaires vendus en France, fait partie du quotidien des consommateurs français depuis 2017. Ils sont 90% à porter un regard positif sur l’outil. Positif, certes, mais parfois un peu circonspect. Comment comprendre que de célèbres pétales de blé complet au chocolat soient estampillés A alors qu’il s’agit d’aliments ultra transformés dont la fabrication implique des procédés industriels comme la cuisson-extrusion, qui dénaturent les ingrédients de base ?
Une aberration parmi d’autres qui a conduit le comité scientifique du Nutri-Score, composé d’experts indépendants européens, à proposer en 2022 des modifications de l’algorithme d’attribution des scores. Ce nouveau mode de calcul a été approuvé en 2023 par les sept pays européens engagés dans la démarche : la France, la Belgique, l’Espagne, l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse. Il devait être applicable en janvier 2023. Il aura fallu attendre ce vendredi 14 mars, soit quatorze mois, pour le voir adopté en France.
Les nouvelles règles ajustent les seuils de points attribués en fonction des teneurs en sucre et en sel, afin de mieux refléter leur impact sur la santé. Les graisses saturées sont désormais évaluées avec une échelle de points modifiée, tenant compte de leur proportion par rapport aux graisses totales. Enfin, la composante positive liée à la présence de fruits, légumes et légumineuses a été ajustée pour mieux valoriser leur contribution à une alimentation saine.
Deux ans pour se mettre à jour
Les acteurs économiques engagés dans la démarche, s’ils le souhaitent, disposent d’un délai de deux ans pour mettre à jour leurs emballages et apposer le nouveau Nutri-Score. Et c’est bien là que la bât blesse : le Nutri-Score n’est nullement obligatoire.
L’exemple de Danone est symptomatique. Le géant de l’agroalimentaire a récemment décidé de retirer le Nutri-Score de certains de ses produits. Les laits fermentés comme Actimel sont désormais considérés comme des boissons sucrées, une catégorie plus sévèrement notée, ce qui a entraîné une dégradation de leur score nutritionnel : de B dans l’ancien système, Actimel passe à C, voire D selon les variétés.
Danone estime que ce reclassement ne reflète plus la « valeur nutritionnelle globale » de ses produits, mettant en avant la présence de probiotiques et de vitamines D et B6 censées renforcer les défenses immunitaires. Disparu donc le Nutri-Score. Ne le cherchez d’ailleurs pas sur le Nutella ou sur les Kinder : Ferrero ne l’a jamais utilisé et continue de s’opposer à tout étiquetage nutritionnel qui nuirait à ses produits.
Potion amère
Et ils ne sont pas les seuls à traîner les pieds. S’il a fallu à la France quatorze mois pour trouver un accord pour l’application du nouvel algorithme, c’est que ses détracteurs sont nombreux. Le Centre National Interprofessionnel de l’Économie Laitière dénonce un système jugé réducteur, qui nuirait à l’image de produits faisant partie du patrimoine gastronomique français. Savencia (Saint Agur, Caprice des Dieux) et Lactalis (Président, Galbani, Bridel) s’opposent fortement au nouveau Nutri-Score, car il pénalise sévèrement les fromages, qui se retrouvent très souvent classés D ou E, y compris ceux bénéficiant d’AOP ou considérés comme des produits artisanaux.
« Le Nutri-Score ne « pénalise » pas ces produits, estime dans le Figaro le Pr Serge Hercberg, fondateur du Nutri-Score. Être classé D ou E signifie simplement qu’ils peuvent être consommés en quantité raisonnable, dans le cadre d’une alimentation équilibrée : on ne fait que rappeler les recommandations de santé publique. »
évaluation régulière
Jouant l’apaisement face aux résistances, le gouvernement s’est engagé « à ce que ce système fondé sur le volontariat qui a pour but d’informer les consommateurs, ne nuise pas aux produits issus de la richesse de nos terroirs et symboles de notre patrimoine culinaire. » Le Nutri-Score fera donc l’objet d’une amélioration continue.
Un engagement que l’on aimerait voir appliquer aux industriels de l’industrie agro-alimentaire. Bien que la potion soit amère, certains ouvrent la porte, à l’instar du patron des Mousquetaires/Intermarché, Thierry Cotillard. Il estime sur son compte LinkedIn, que le nouveau mode de calcul du Nutri-Score «va dégrader la note de[ses] produits. Mais je pense que c’est une bonne chose». Selon le troisième distributeur alimentaire français « la proportion de produits de marques de distributeur classés A ou B passerait de 40 % à 27 % avec le nouveau Nutri-Score. » Il concède que de moins bonnes notes encourageront son entreprise à« reformuler » ses « recettes ». CQFD.
Du changement pour la viande rouge et les charcuteries

Photo Benoît Prieur
Avant la réforme, certaines viandes rouges maigres pouvaient obtenir des scores B voire C, en raison de leur teneur en protéines et de leur faible teneur en matières grasses. Désormais, ces viandes rouges (comme le bœuf ou l’agneau), même maigres, sont moins bien notées, car le nouveau calcul pénalise les apports élevés en graisses saturées et en sel, tout en prenant en compte le risque sanitaire global, notamment les effets sur le risque de cancers colorectal et cardiovasculaire. Elles se retrouvent notées C à D, voire E pour certaines charcuteries riches en sel et en graisses saturées.
Par exemple, la viande hachée de bœuf à 5 % de matières grasses pourrait être rétrogradée car en dépit de sa faible teneur en matières grasses, la viande rouge est désormais pénalisée en raison de son association avec certains risques pour la santé. Le jambon cuit est rétrogradé de B en C car bien que moins gras que d’autres charcuteries, il est affecté par sa teneur en sel.
Les laits écrémés et demi-écrémés sont reclassés de A à B, et le lait entier passe de B à C, en raison de leur classification en tant que boissons dans le nouveau système.
A contrario, les huiles d’olive et de colza bénéficient désormais d’une meilleure notation, reflétant leur profil lipidique favorable.
Les poissons gras et certaines huiles végétales, riches en graisses non saturées, voient aussi leur score amélioré, tout comme les fromages à faible teneur en sel : l’emmental passe du « D » au « C ».