Pharmacies étranglées, laboratoires choyés : le nouveau cadeau du gouvernement à Big Pharma
Sous couvert d’économies, l’État organise un transfert massif vers l’industrie pharmaceutique, au détriment des officines de proximité et des patients les plus fragiles.
Le gouvernement l’assure : réduire les remises accordées aux pharmacies par les industriels du médicament permettrait de réaliser 500 millions d’euros d’économies sur les dépenses de santé. La mesure, annoncée début août, rabotera progressivement les revenus des officines sur les génériques : 40 % aujourd’hui, 30 % dès septembre prochain et seulement 20 % en 2027. Officiellement, il s’agit de faire pression sur les prix pour soulager l’Assurance maladie. Dans les faits, c’est un transfert de richesses. Les laboratoires continueront de dégager des marges colossales, tandis que les pharmacies de proximité verront leur modèle économique s’effondrer.
Les officines en première ligne d’un sabotage social
Dans les faits, ces « remises » ne sont pas un simple bonus, mais la base du modèle économique des pharmacies. Elles leur permettent de dégager une marge pour compenser l’encadrement strict des prix de vente imposé par l’État. Un médicament générique dont le prix a été fixé à 10 euros sera ainsi vendu avec une « remise » allant jusqu’à 4 euros par le grossiste pour que le pharmacien puisse « marger » et payer ses charges.
En coupant cette source de revenu, le gouvernement condamne de nombreuses officines, surtout les plus fragiles qui sont souvent étranglées par la hausse des loyers et de l’énergie. Leur disparition créerait des déserts pharmaceutiques dans les zones rurales et populaires, où l’accès aux médicaments repose sur ces services de proximité. Les grandes agglomérations s’en sortiront, mais au prix d’une nouvelle fracture sociale : d’un côté, les habitants des centres urbains, de l’autre, des territoires entiers privés d’un maillon essentiel de la chaîne de soins.
Un secteur en colère : des réactions syndicales à la hauteur de l’urgence
Face au risque encouru, l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) a organisé samedi 16 août une mobilisation d’ampleur avec un appel à garder porte close pour la journée : « fermer un jour pour ne pas fermer pour toujours ». L’objectif est d’exiger la suspension immédiate de l’arrêté gouvernemental mis en œuvre le 6 août et déjà paru au Journal Officiel .
La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), le premier syndicat de la profession, ne participait pas au mouvement de samedi dernier. Mais son président, Philippe Besset, a lancé sur France Inter un cri d’alarme : « Cette décision (…) va conduire à la fermeture de centaines, voire de milliers d’officines1. » Avant d’affirmer que : « le gouvernement fait le choix de redonner de la marge à l’industrie pharmaceutique. Cela ne rapporte aucun argent à l’Assurance Maladie ».
Pour l’heure, l’intersyndicale (Uspo, FSPF, UNPF, Federgy, UDGPO) prévoit une fermeture des pharmacies le 18 septembre, puis « tous les samedis à compter du 27 septembre ».
Une politique qui creuse les inégalités
Cette réforme ne fait pas que menacer un secteur, elle frappe au cœur du principe de solidarité. Les ménages les plus modestes, qui dépendent le plus des pharmacies locales, seront les premières victimes. Pour eux, chaque kilomètre supplémentaire parcouru pour trouver une officine est un obstacle, chaque rupture d’approvisionnement une menace pour leur santé. Au nom de la rigueur budgétaire, le gouvernement choisit d’accentuer les fractures territoriales et sociales, en sacrifiant un réseau de proximité vital sur l’autel des équilibres comptables.
Le vrai choix : un pôle public du médicament
Face à cette impasse, la création d’un grand pôle public du médicament, qui figure notamment dans le programme du Nouveau front Populaire, serait une réponse à la hauteur des enjeux. Alors que le gouvernement se contente de gratter quelques centaines de millions sur le dos des pharmacies, ce projet vise à reprendre la main sur la production, la distribution et la fixation des prix. Il permettrait de garantir des stocks conséquents, à l’abri des pénuries artificielles et des stratégies spéculatives des industriels. Surtout, il assurerait une maîtrise publique des coûts, en orientant l’argent vers le service aux patients plutôt que vers les dividendes des actionnaires.
Reprendre la main sur un bien commun
Le médicament n’est pas un produit comme un autre. Le laisser aux caprices du marché, c’est accepter que la santé des citoyens dépende des arbitrages financiers de multinationales. En réduisant les remises faites aux pharmacies, le gouvernement fait mine de lutter contre le déficit de la Sécurité sociale, mais il conforte en réalité le pouvoir des industriels. À l’inverse, un pôle public du médicament redonnerait sens à une politique de santé digne de ce nom : égalité d’accès, transparence, continuité territoriale et… maîtrise des coûts.
(Photo PXHere – CC)
Notes :
1 – Plafond de remise sur les génériques à 30 % : inacceptable pour les pharmaciens dans Le Quotidien du Pharmacien.