Dossier rentrée (2/4) – Rythmes scolaires : apprendre mieux, vivre mieux
Les spécialistes sont unanimes: il faut remettre les rythmes de l’enfant au cœur de l’organisation du temps scolaire, pour y intégrer davantage de sport et de culture.
Depuis dix ans, les retours d’expériences et les rapports de chercheurs en chronobiologie scolaire convergent : des journées un peu plus courtes, une semaine mieux équilibrée, une alternance régulière entre temps d’apprentissages et temps de respiration améliorent l’attention, le sommeil, la santé et la disponibilité cognitive des enfants. L’Observatoire des Rythmes et des Temps de Vie des Enfants et des Jeunes (ORTEJ) a produit de nombreux travaux rappelant l’intérêt d’une semaine scolaire pensée d’abord pour l’enfant et d’« agencements » locaux évalués au regard de ces critères1 et 2. Ces repères, paradoxalement, ont souvent été dilués dans les allers-retours réglementaires, au détriment d’une politique nationale lisible.
Faire place au sport sans confondre EPS et « minutes » d’activité
L’ambition d’augmenter la pratique physique à l’école est largement partagée à gauche et chez les professionnels. Mais l’évaluation parlementaire de la mesure « 30 minutes d’activité physique quotidienne » (APQ) a montré un déploiement insuffisant et des effets limités tant que le dispositif n’est pas articulé aux trois heures hebdomadaires d’EPS (éducation physique et sportive) et au sport scolaire. Le Sénat recommande de clarifier les objectifs : prévenir la sédentarité sans dénaturer l’enseignement de l’EPS, former et accompagner les équipes et assurer un suivi de santé publique3 4 5. La généralisation annoncée de « deux heures de sport en plus » au collège a malheureusement été abandonnée fin 2024 faute de moyens et de faisabilité7.
Réhabiliter la culture et les temps éducatifs partagés
Au-delà du sport, l’école doit garantir des temps culturels réguliers, accessibles et gratuits : ateliers artistiques, médiations en bibliothèque, sorties au musée, au théâtre, au cinéma, chorales, résidences d’artistes. Les propositions de la FCPE et des organisations syndicales vont dans ce sens : co-éducation avec les partenaires culturels, qualité de vie à l’école, climat scolaire apaisé. De nombreux retours de terrain, comme à Arras 2, montrent qu’un aménagement du temps scolaire réfléchi peut améliorer le climat scolaire et l’engagement des élèves, à condition d’être évalué et soutenu.

(Photo Anastasia Shuraeva)
Les positions syndicales et politiques de gauche
La CGT Éduc’action, Solidaires/SUD éducation, la FSU et la FNEC FP-FO (Force Ouvrière – fédération enseignante) convergent sur un point : on ne redressera pas les apprentissages par des « coups » gestionnaires ni par le tri social précoce. Contre le « choc des savoirs » et les groupes de niveaux qui segmentent les élèves, ils demandent des classes moins chargées, du temps d’enseignants pour le soutien personnel (remédiation), et une revalorisation non conditionnelle8 et 9. Du côté des forces politiques, LFI propose de réduire les effectifs pour passer sous la moyenne européenne de 19 élèves, de garantir des contenus culturels exigeants et de réinscrire le sport et l’EPS dans les rythmes hebdomadaires plutôt que par des ajouts ponctuels ; Les Écologistes prônent une carte scolaire élargie au privé et une dotation progressive, conditions d’une mixité réelle ; le PCF plaide pour des recrutements massifs et la suppression de Parcoursup afin que l’organisation des temps ne serve pas la sélection.
Concrètement, une boussole simple
Une semaine équilibrée et une journée « respirable » : voilà la boussole. Les collectifs de terrain et les chercheurs de l’ORTEJ insistent sur la cohérence d’ensemble : commencer plus tôt les apprentissages fondamentaux quand la vigilance est meilleure, préserver des temps calmes l’après-midi, garantir partout l’accès au sport scolaire et aux pratiques culturelles, éviter les disparités territoriales en encadrant nationalement, mais en évaluant localement avec les familles et les équipes. Ce n’est pas une « révolution » coûteuse : c’est une manière d’arrêter de perdre du temps scolaire en le morcelant. Et c’est un investissement dans l’attention et le bien-être qui, lui, rapporte très vite.
(Photo principale signée Roman Boed)
Notes
1- ORTEJ, rapports. : https://www.ortej.org/rapports/
2 – ORTEJ, étude sur Arras (04/04/2024).
3 – Sénat, rapport APQ – synthèse (25/09/2024).
4 – Éduscol, APQ – cadre (27/07/2022).
5 – BO du 28/07/2022, APQ.
6 – Banque des territoires, bilan « en demi-teinte ».
7 – Le Monde (12/11/2024), La généralisation des deux heures de sport hebdomadaires supplémentaires au collège est abandonnée.
8 – CGT Éduc’action, Collège : contre le choc des savoirs et les groupes de niveau.
9 – SUD éducation, L’État choisit de financer l’enseignement privé au détriment de l’éducation prioritaire !
Trois journées types adaptées aux rythmes des enfants et des adolescents
L’écolier (CE2 – 8 ans)
- 8h30 – 10h00 : apprentissages fondamentaux
Français, mathématiques, lecture : les matières qui demandent le plus de concentration sont placées le matin, quand la vigilance est optimale. - 10h00 – 10h20 : récréation et collation légère
Temps de respiration indispensable, favorisant le jeu libre et la socialisation. - 10h20 – 11h30 : apprentissages fondamentaux (suite)
Exercices d’écriture, résolution de problèmes, découverte du monde. - 11h30 – 12h00 : activités artistiques / ateliers courts
Dessin, chant, conte ou petit travail manuel avant la pause déjeuner. - 12h00 – 13h30 : déjeuner et temps calme
Restauration collective suivie d’un moment de détente, jeux encadrés ou lecture. - 13h30 – 14h15 : sport (EPS ou jeux moteurs)
Activité physique encadrée, intégrée dans les trois heures hebdomadaires d’EPS. - 14h15 – 15h15 : sciences et découverte du monde
Approche expérimentale et observation. - 15h15 – 15h35 : récréation
- 15h35 – 16h15 : ateliers culturels
Bibliothèque, chorale, théâtre ou résidence d’artiste partenaire. - 16h15 – 16h30 : bilan et retour au calme
Clôture de la journée avec un rituel collectif.
Une journée mieux rythmée entre apprentissages et respiration, avec sport et culture intégrés, non relégués en marge.
Le collégien (5ᵉ – 12 ans)
- 8h15 – 9h45 : cours fondamentaux (maths, français, langues)
Les matières à forte exigence cognitive sont concentrées tôt le matin. - 9h45 – 10h00 : pause / récréation
- 10h00 – 11h30 : sciences et technologie
Expérimentation, manipulation, travail en groupes. - 11h30 – 12h30 : EPS (ou sport scolaire le mardi/jeudi)
Un créneau de sport intégré chaque jour ou tous les deux jours, dans la logique APQ renforcée. - 12h30 – 14h00 : déjeuner
- 14h00 – 14h45 : ateliers culturels
Musique, arts plastiques, médiation culturelle avec bibliothèque, cinéma ou théâtre. - 14h45 – 15h45 : histoire-géographie / EMC
Débats, exposés, ouverture citoyenne. - 15h45 – 16h00 : pause
- 16h00 – 16h45 : soutien / remédiation / travail en groupes
Des temps différenciés selon les besoins, plutôt que des « groupes de niveaux » figés. - 16h45 – 17h00 : temps de respiration et retour au calme
Une journée équilibrée, qui ne dépasse pas 17h00, alternant cours, sport et culture, et laissant de la place à la coopération et au suivi individualisé.
Le lycéen (Première – 16 ans)
- 8h00 – 9h30 : enseignement de spécialité
Les disciplines principales sont placées tôt pour profiter de la vigilance. - 9h30 – 9h45 : pause
- 9h45 – 11h15 : deuxième spécialité / mathématiques
- 11h15 – 12h00 : sport ou ateliers santé (selon les jours)
Maintenir une pratique physique régulière, intégrée à l’emploi du temps. - 12h00 – 13h30 : déjeuner
- 13h30 – 14h15 : enseignement culturel
Philosophie, littérature, théâtre, arts plastiques ou audiovisuel. - 14h15 – 15h45 : sciences sociales, histoire-géographie, langues vivantes
- 15h45 – 16h00 : pause
- 16h00 – 16h45 : accompagnement personnalisé
Préparation au bac, méthodologie, orientation. - 16h45 – 17h30 : activités de club / projets citoyens
Débats, médias scolaires, engagement associatif, rencontres avec acteurs culturels ou scientifiques.
Une journée plus dense que pour les plus jeunes, mais qui intègre du sport, de la culture et de l’accompagnement personnalisé, sans rallonger inutilement les soirées.
Notre site est accessible, sans abonnement, sans mur payant, sans publicité, parce que nous voulons que tous ceux qui le souhaitent puissent lire et partager nos articles.
Mais ce choix a une contrepartie : sans vos dons, déductibles des impôts,
Le Nouveau Paradigme ne peut pas exister.
Nous dépendons donc exclusivement du soutien de nos lectrices et lecteurs.