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La gauche ne doit pas tomber dans le piège de la retraite

Il y a des victoires qui sonnent comme des défaites. Si une partie de la gauche venait à prendre la tête d’un gouvernement sans majorité réelle, l’illusion du pouvoir pourrait bien lui coûter plus cher que l’opposition. Elle croirait gouverner, mais ne ferait qu’administrer les limites fixées par d’autres. On nous promettrait alors un geste symbolique avec la suspension de la réforme des retraites, par exemple. Comme une preuve de bonne volonté, un signe que les choses peuvent encore changer. Ce serait, à n’en pas douter, une mesure juste et nécessaire. Mais croire que cela suffirait à réenchanter la politique serait une erreur tragique.

Car un tel gouvernement ne pourrait rien faire d’essentiel sans risquer la censure. Les réformes sociales et écologiques, celles qui s’attaquent aux causes profondes des inégalités et du désastre climatique, resteraient bloquées dans les tiroirs du possible. On gouvernerait à la marge, en arrondissant les angles d’un système qu’il faudrait pourtant renverser. Faire un pas dans le bon sens ne sert à rien si l’on accepte que la route reste la même. Et ce compromis-là, sous couvert de responsabilité, ressemblerait fort à une compromission.

Pire encore, une gauche impuissante au pouvoir nourrirait la pire des illusions, celle que plus rien ne peut changer. Elle offrirait au Rassemblement national le plus beau des cadeaux : la preuve apparente que « les autres » ne valent pas mieux. Les mêmes, tous complices, tous inutiles. Dans ce désenchantement général, l’extrême droite n’aurait plus qu’à ramasser les morceaux.

Non, la gauche ne doit pas se contenter de gouverner à moitié. Elle ne peut pas revenir aux affaires sans projet de rupture. Il lui faut un horizon clair, une refondation politique et économique inspirée d’un Keynes que l’on aurait enfin relu à la lumière de notre siècle : faire de l’intervention publique le moteur d’une transformation sociale et écologique profonde. Redonner à l’État son rôle premier, celui d’améliorer la vie des gens et de préserver l’environnement.

Ce n’est pas d’un sursaut technique dont nous avons besoin, mais d’un sursaut de sens. La gauche ne convaincra qu’en incarnant à nouveau l’espoir, pas la gestion des ruines. Gouverner sans pouvoir, c’est trahir deux fois : ceux qui y croient encore et ceux qui n’y croient déjà plus.

(Photos CC et Photomontage LNP)

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