Sécurité sociale : l’austérité s’aggrave, la gauche appelle à changer de cap
Derrière les chiffres du déficit, le projet de budget 2026 de la Sécurité sociale traduit un choix politique assumé : faire payer les assurés. La gauche dénonce une austérité injuste et avance un plan de financement alternatif fondé sur la justice fiscale.
À peine refermé le dossier explosif du budget de l’État, les députés s’attellent cette semaine à un autre texte brûlant : celui de la Sécurité sociale. Le projet de loi de financement pour 2026 (PLFSS), rejeté en commission, revient dans l’hémicycle à partir du 4 novembre dans sa version initiale. Objectif du gouvernement : ramener le déficit à 17,5 milliards d’euros, contre 23 milliards en 2025 ¹. Pour y parvenir, l’exécutif promet des « efforts partagés ». Mais dans les faits, ce sont surtout les retraités, les allocataires et les malades qui vont être mis à contribution.
Derrière le vernis comptable, le texte s’inscrit dans la continuité d’une politique d’austérité que même certains alliés de la majorité jugent contre-productive. En gelant les prestations sociales, en doublant les franchises médicales et en limitant la hausse des dépenses de santé à un niveau historiquement bas, le gouvernement fait le choix d’un redressement sur le dos des assurés sociaux.
Un budget d’économies déguisées en rigueur
Le PLFSS 2026 prévoit le gel des retraites de base et des prestations sociales, pourtant indexées sur l’inflation depuis des décennies. Cette désindexation temporaire, censée faire économiser 2,5 milliards d’euros, s’ajoute au doublement des franchises médicales : 2 euros par boîte de médicaments, 4euros par consultation, 8 euros pour un transport sanitaire ². Ces hausses, présentées comme des « ajustements », constituent en réalité une hausse cachée du reste à charge pour les patients.
Dans le même temps, l’enveloppe de l’Assurance-maladie progressera de seulement 1,6 % en 2026, quand les besoins augmentent naturellement de 4 %. Hôpitaux sous-dotés, personnels épuisés, files d’attente qui s’allongent : la spirale du rationnement s’installe.
Le Premier ministre Sébastien Lecornu a bien laissé entendre qu’il pourrait assouplir certaines mesures, notamment le gel des pensions, mais sans remettre en cause la logique globale. Le cap reste celui fixé par la Cour des comptes, qui exige 11 milliards « d’efforts » d’ici 2026 (9 milliards d’économies et 2 milliards de recettes nouvelles). Une trajectoire saluée par les milieux d’affaires, mais dénoncée à gauche comme une cure d’austérité injuste et inefficace.
Faire payer ceux qui ont besoin de soins
« Ce budget n’est pas une politique de rigueur, c’est une politique de classe », tranche le député communiste Stéphane Peu. Le PCF dénonce « un transfert massif des dépenses publiques vers les ménages », rappelant que la Sécurité sociale n’a pas vocation à équilibrer les comptes de l’État, mais à garantir un droit universel à la santé et à la solidarité.
Même tonalité du côté de La France insoumise, qui accuse l’exécutif de « s’en prendre aux malades pendant qu’il protège les milliardaires ». Le mouvement a présenté un contre-budget reposant sur 183 milliards d’euros de nouvelles recettes, dont 35 milliards issus d’une taxe sur les grandes fortunes et du rétablissement de l’ISF 3. De quoi financer la revalorisation des pensions, des salaires et des soins, sans rogner sur la protection sociale.
Pour Les Écologistes, limiter l’accès aux soins et restreindre la durée des arrêts de travail revient à « cibler les victimes plutôt que les causes ». Le problème ne réside pas dans les dépenses, mais dans les exonérations massives accordées aux entreprises, qui coûtent plus de 80 milliards par an au budget de la Sécu. Supprimer une partie de ces niches permettrait déjà d’équilibrer largement les comptes.
Le Nouveau Front populaire prône une alternative de justice sociale
Au-delà des nuances, les formations du Nouveau Front populaire (NFP) s’accordent sur une orientation commune : abroger la réforme des retraites de 2023, rétablir le départ à 62 ans, revaloriser les pensions et rétablir l’indexation sur l’inflation. Elles proposent également une refonte complète de la fiscalité : rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune, barème progressif à quatorze tranches, taxation des superprofits et suppression de la flat tax sur le capital. Ces recettes serviraient à financer les hôpitaux, les services publics et la transition écologique, plutôt qu’à réduire la dépense publique.
Cette stratégie rompt avec la logique comptable actuelle. Là où le gouvernement parle de « déficit », le NFP parle de besoins sociaux ; là où l’exécutif cherche des économies, la gauche met en avant les recettes justes ; là où la majorité invoque la responsabilité, l’opposition évoque la solidarité.
Une bataille politique autour du sens de la Sécurité sociale
À l’heure où la Sécurité sociale s’apprête à fêter ses 80 ans, la confrontation dépasse les chiffres. Elle touche à la philosophie même du modèle français. Le gouvernement, en cherchant à « responsabiliser » les assurés, réintroduit une logique de sélection : moins de soins remboursés, plus de charges directes. La gauche, elle, revendique l’héritage de 1945, une protection fondée sur le travail et la solidarité, financée par la richesse collective.
Le débat qui s’ouvre n’est donc pas seulement budgétaire. Il pose une question centrale : veut-on d’une Sécurité sociale universelle ou d’une assurance santé à deux vitesses ? Si le gouvernement persiste, les « efforts » risquent d’éroder un peu plus la confiance dans le système. Si la gauche parvient à imposer ses amendements, ou au moins ses idées, elle pourrait replacer la solidarité au cœur du projet républicain.
Le budget de la Sécurité sociale n’est pas un tableau Excel : c’est le reflet d’un choix de société. Et c’est bien ce choix, entre austérité et justice sociale, qui se joue cette semaine à l’Assemblée.
(Photo PXHere – CC)
Notes :
1 – Le Parisien – “PLFSS 2026 : retraites, franchises, économies… cocktail détonant pour le budget de la Sécurité sociale”
2 – Cour des comptes – Analyse du PLFSS 2026, chiffrage des économies prévues
3 – L’Humanité – “183 milliards de nouvelles recettes : le contre-budget de LFI”
Notre site est accessible, sans abonnement, sans mur payant, sans publicité, parce que nous voulons que tous ceux qui le souhaitent puissent lire et partager nos articles.
Mais ce choix a une contrepartie : sans vos dons, déductibles des impôts,
Le Nouveau Paradigme ne peut pas exister.
Nous dépendons donc exclusivement du soutien de nos lectrices et lecteurs.
