Politique

Politique

Zohran Mamdani, le pari « socialiste » de New York : renouveau démocrate ou ligne de fracture ?

Élu à 34 ans, premier maire musulman de New York, Zohran Mamdani promet loyers gelés, bus gratuits et crèches publiques. Mais entre une gouverneur plus centriste et la Maison Blanche, jusqu’où pourra-t-il aller ?

New York s’est choisi un maire que personne, ou presque, ne voyait venir. À 34 ans, Zohran Mamdani, fils d’un universitaire ougandais et d’une mère indienne, a remporté une victoire historique face à l’ex-gouverneur Andrew Cuomo et au républicain Curtis Sliwa. Il devient le premier maire musulman de la ville et incarne, pour une partie de la gauche américaine, la promesse d’un renouveau politique. Sa campagne, construite sur des thématiques locales comme le logement, les transports et la vie chère, a mobilisé des milliers de bénévoles dans les quartiers populaires. Mais au-delà du symbole, la question demeure : que peut réellement changer un « socialiste » dans l’une des capitales financières du monde ?

Une étiquette « socialiste » à géométrie américaine

Le mot « socialiste » n’a pas le même sens à New York qu’à Paris, Londres ou Berlin. Aux États-Unis, il ne renvoie ni à la nationalisation des banques ni à la fin du capitalisme, mais à une version municipale du bien-être collectif. Mamdani, proche de la Democratic Socialists of America (DSA), une organisation qui prône un socialisme démocratique axé sur la justice sociale et économique, défend un programme pragmatique et concret. Il veut geler les loyers dans le parc régulé, rendre les bus gratuits, créer un réseau de crèches publiques et soutenir les épiceries coopératives pour contrer la flambée des prix alimentaires. Il plaide aussi pour un salaire minimum à 30 dollars de l’heure d’ici à 2030. Un programme qui, dans un autre contexte, serait perçu comme social-démocrate classique, mais qui, aux États-Unis, reste une révolution tranquille.

Le pari d’un renouveau démocrate

Cette victoire intervient dans un Parti démocrate encore marqué par les divisions de l’ère Biden. La campagne Mamdani a rappelé les méthodes de Bernie Sanders et d’Alexandria Ocasio-Cortez : financement participatif, mobilisations de terrain, relais militants plutôt que campagnes publicitaires. Elle a séduit une génération de jeunes électeurs lassés du centrisme prudent et d’un discours perçu comme déconnecté des réalités sociales. Pour beaucoup, l’élection de Mamdani est la preuve que l’aile gauche du parti peut désormais gagner au-delà des marges.

Mais cette lecture optimiste se heurte à une résistance interne. Plusieurs figures démocrates influentes, notamment au Congrès, se sont gardées de saluer sa victoire. Le courant centriste redoute qu’un virage trop marqué vers la gauche ne fragilise le parti sur le plan national. La bataille d’interprétation est donc ouverte : renouveau idéologique ou fracture en devenir ?

Un symbole identitaire fort, mais pas inédit

La presse américaine a abondamment souligné que Mamdani devenait le premier maire musulman de New York. C’est un jalon symbolique majeur dans une ville cosmopolite, longtemps dirigée par des figures issues de l’establishment blanc. Toutefois, il ne s’agit pas d’une première à l’échelle du pays. Dearborn, dans le Michigan, a élu Abdullah Hammoud en 2021, et le Congrès compte depuis plusieurs années des élues musulmanes comme Rashida Tlaib et Ilhan Omar.

L’importance de cette victoire réside donc moins dans la religion du nouveau maire que dans sa capacité à traduire la diversité new-yorkaise en politiques publiques universelles. Pour ses soutiens, c’est cette dimension inclusive, et non communautaire, qui fait sa singularité.

Gouverner face aux verrous institutionnels

Mamdani promet beaucoup, mais il devra composer avec deux niveaux de pouvoir qui peuvent brider son action. D’abord, l’État de New York, dirigé par la gouverneure Kathy Hochul, issue de l’aile modérée du Parti démocrate. Ensuite, le gouvernement fédéral, désormais sous le contrôle de Donald Trump et de son vice-président JD Vance. Le maire aura besoin de leur coopération pour financer les transports publics, les logements abordables ou certaines réformes sociales.

Or, tout indique que la Maison Blanche n’aura aucun intérêt politique à faciliter la tâche d’un maire « communiste » comme elle aime à le qualifier. Les bras de fer budgétaires et administratifs risquent donc d’être fréquents, rappelant à quel point le système américain peut neutraliser une ambition locale jugée trop audacieuse.

Un scrutin national qui ne tourne pas en faveur de Trump

L’élection new-yorkaise s’inscrit dans un cycle électoral plus large, marqué par plusieurs scrutins locaux et législatifs tenus hier à travers les États-Unis. Si les républicains conservent leur mainmise sur une majorité d’États du Sud et du Midwest, les démocrates ont résisté mieux que prévu, notamment dans les grandes métropoles. À Chicago, Boston, Portland ou Austin, les candidats progressistes ont conservé leurs postes.

Plusieurs États clés, comme la Pennsylvanie et le Michigan, ont également vu des candidats démocrates remporter des sièges au Congrès ou aux assemblées locales. En somme, ce n’est pas un raz-de-marée bleu, mais c’est un revers relatif pour Donald Trump, qui espérait transformer ces élections en démonstration de force. L’Amérique apparaît aujourd’hui plus divisée que jamais, mais pas nécessairement conquise par le trumpisme.

Peut-il peser sur la scène nationale ?

La mairie de New York a souvent servi de tremplin politique, mais aussi de tombeau. Giuliani, Bloomberg et de Blasio en savent quelque chose. Pour Zohran Mamdani, cette fonction offre une visibilité internationale et une tribune pour incarner une autre vision de l’Amérique. Mais elle l’expose aussi à des défis considérables. Crime, logement, inégalités, crises budgétaires : la métropole ne laisse aucun répit.

S’il parvient à démontrer qu’une politique progressiste peut être compatible avec la stabilité économique, Mamdani pourrait devenir un rival crédible pour JD Vance, pressenti pour succéder à Trump en 2028. Mais l’histoire américaine enseigne qu’il est plus facile de faire campagne contre le système que de le transformer de l’intérieur.

Le laboratoire du possible

Au fond, la question n’est pas tant de savoir si Mamdani est réellement socialiste que de comprendre ce que sa victoire dit des États-Unis. Elle révèle un pays où la notion de justice sociale revient dans le débat public, où une nouvelle génération ose remettre en cause les dogmes du marché et du profit. New York pourrait devenir le laboratoire d’un autre modèle urbain, fondé sur l’équité et le service public.

Mais ce pari reste fragile. Entre la pression des marchés immobiliers, la frilosité du Parti démocrate et l’hostilité d’un pouvoir fédéral réactionnaire, le nouveau maire devra marcher sur une ligne de crête. Son succès ou son échec dira beaucoup de ce que l’Amérique veut, ou peut devenir.

Notre site est accessible, sans abonnement, sans mur payant, sans publicité, parce que nous voulons que tous ceux qui le souhaitent puissent lire et partager nos articles.

Mais ce choix a une contrepartie : sans vos dons, déductibles des impôts, Le Nouveau Paradigme ne peut pas exister.

Nous dépendons donc exclusivement du soutien de nos lectrices et lecteurs.

Je fais un don pour LNP

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Back To Top