Consommation

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Les supermarchés français surfent sur l’inflation

En deux ans, les prix alimentaires ont explosé. Les ménages achètent moins, les producteurs gagnent à peine leur vie, mais les grandes enseignes affichent des résultats solides. Sous couvert de défendre le pouvoir d’achat, la distribution a su transformer la crise des prix en rente.

«Engagé pour votre pouvoir d’achat », « Tous unis contre la vie chère », « Votre budget, notre priorité ». La grande distribution se veut le chevalier blanc de la défense des consommateurs. Ses acteurs jurent « protéger les Français » avec des paniers « anti-inflation » ou des « prix bloqués ». En se posant en rempart contre la vie chère, les grandes surfaces n’ont pas perdu au change : la crise leur a permis de consolider leurs marges, voire de les améliorer, pendant que les consommateurs et les producteurs payaient la note. 

Une inflation qui ne pèse pas sur tout le monde de la même façon

Selon l’UFC-Que Choisir, les prix des produits alimentaires ont augmenté en moyenne de 18 % entre 2022 et 2024, avec des hausses plus fortes encore sur les produits de base : +26 % pour les pâtes, +24 % pour le riz, +21 % pour le sucre. Ces augmentations dépassent largement la hausse réelle des coûts de production, aujourd’hui stabilisés. D’après NielsenIQ, société d’analyse spécialisée dans la grande distribution, les volumes vendus ont reculé de 5 à 7 % sur la même période. Pourtant, le chiffre d’affaires du secteur continue de croître : les ménages achètent moins, mais paient plus.
 Selon l’INSEE, la hausse annuelle des prix alimentaires a atteint 9,7 % en moyenne en 2023, avant de ralentir légèrement en 2024, sans pour autant revenir à son niveau d’avant-crise. Les prix se sont simplement stabilisés à un niveau élevé.

Le prix des marques de distributeur flambe

Dans un marché tendu, les distributeurs ont su préserver leurs profits : les hausses décidées par les grandes marques sont arrivées en rayon, souvent majorées d’un cran supplémentaire. Les marques de distributeur, censées offrir une alternative bon marché, ont suivi la même tendance : +17 % en deux ans, alors même qu’elles reposent sur des coûts internes plus faibles. Résultat : les marges nettes moyennes de la grande distribution restent stables, autour de 2 à 3 %, voire légèrement supérieures à leur niveau d’avant-crise.

De leur côté, les enseignes se défendent. Elles affirment « ne faire que répercuter les hausses imposées par les industriels » et soulignent que « leurs marges restent parmi les plus faibles d’Europe ». Des justifications réelles, mais incomplètes : le modèle même de la grande distribution, fondé sur une puissance d’achat écrasante, lui permet d’absorber les crises sans en subir les effets.

+ 18 %
Hausse moyenne des prix alimentaires entre 2022 et 2024, selon l’UFC-Que Choisir.

– 6 %
Baisse moyenne des volumes achetés dans la grande distribution sur la même période (source : NielsenIQ).

+ 17 %

Hausse du prix des marques de distributeur, pourtant présentées comme alternatives économiques.

1 € sur 4

Part du budget des ménages français désormais consacrée à l’alimentation.

Le mirage des « prix bloqués »

Les campagnes dites « anti-inflation » se sont multipliées. Mais ces opérations, limitées à quelques produits et quelques semaines, ont surtout servi à attirer le consommateur vers les marques maison, plus rentables. Pendant ce temps, la loi Egalim, censée protéger les agriculteurs, a verrouillé une marge minimale pour la distribution, compliquant les baisses de prix tout en légitimant les hausses.

Entre producteurs et consommateurs, la grande distribution occupe ainsi la position la plus confortable : elle fixe les règles et capte la plus grande part de la valeur.

Pour des millions de familles, cela se traduit par des arbitrages quotidiens : moins de viande ou de poisson, plus de pâtes, des repas simplifiés et des produits de moindre qualité. La « vie chère » n’est plus un épisode, mais un nouvel état ordinaire.

Une autre économie de l’alimentation est possible

La grande distribution n’est pas victime de l’inflation : elle l’a intégrée à son modèle. Tant que les prix seront fixés dans les centrales d’achat, les producteurs resteront sous pression et les consommateurs paieront trop. Le déséquilibre est structurel, pas conjoncturel.

Des solutions existent, à portée de main : imposer une transparence complète sur la formation des prix, encadrer les marges sur les produits de première nécessité, soutenir les circuits courts et la transformation locale. Ces leviers ne relèvent pas de la morale, mais du bon sens économique. Ce que révèle cette crise, ce n’est pas l’impuissance face à la hausse des prix, mais le refus d’intervenir sur un secteur devenu intouchable. Tant que la régulation restera un tabou, la « vie chère » restera la norme.


Gaz : des prix stabilisés, mais toujours deux fois plus chers qu’avant

Les tarifs du gaz sont restés stables depuis un an, mais à un niveau durablement élevé. Selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE), la facture moyenne d’un foyer chauffé au gaz s’élève à environ 1 750 euros par an, contre 930 euros en 2021 : une hausse de près de 90 % en trois ans.
Près de 11 millions de foyers sont concernés, dont 7 millions se chauffent principalement au gaz, soit près d’un tiers des ménages français.
Cette flambée ne s’explique plus par la guerre en Ukraine ni par la spéculation sur les marchés, mais par une nouvelle structure de coûts : contrats d’importation de gaz naturel liquéfié (GNL) plus chers, fin progressive du bouclier tarifaire et retour des taxes énergétiques.
En pratique, les ménages paient désormais le prix de la dépendance énergétique européenne : moins de gaz russe, plus de gaz importé des États-Unis ou du Qatar, transporté et regazéifié à coût élevé.Le gaz n’est plus en crise, mais il n’est plus bon marché.


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