La déforestation importée : comment l’Europe, et la France en tête, détruisent l’Amazonie
Alors que la COP30 prétend défendre la forêt amazonienne, l’Union européenne continue d’alimenter la destruction par ses importations de soja, de bœuf, de caoutchouc ou de cacao. En fermant les yeux sur ses chaînes d’approvisionnement, les États européens jouent les défenseurs du climat d’un côté et les pyromanes de l’autre.
La duplicité européenne n’est pas nouvelle, mais elle atteint un niveau de cynisme historique. On applaudit les discours enflammés sur la protection des peuples autochtones, on vote des résolutions sur le climat, on finance même quelques programmes de reforestation… tout en important chaque année des millions de tonnes de produits agricoles directement issus de zones déboisées. Entre 2005 et 2017, selon des données retraçant les flux commerciaux, l’UE était responsable de 16 % de la déforestation tropicale liée au commerce international, soit environ 203 000 ha et 116 millions de tonnes de carbone importées indirectement 1. Un chiffre qui met à mal la façade verte de Bruxelles.
Le grand mensonge de la « déforestation zéro »
L’Europe s’est dotée d’un règlement, le EU Deforestation Regulation, visant à bannir les produits issus de la déforestation. Une avancée historique, dit-on. Sauf qu’entre les exemptions, les délais, les contrôles à minima et les pressions des lobbies agricoles, la mesure ressemble davantage à un exercice de communication qu’à une rupture concrète 2. Pendant ce temps, notamment en France, les importations de soja brésilien continuent d’alimenter un modèle agricole dépendant de l’élevage et de l’agrobusiness intensif 3.
Le commerce mondial, bulldozer en col blanc
Le mécanisme est simple : plus l’Europe importe, plus l’agrobusiness brésilien s’étend. Plus il s’étend, plus les zones protégées reculent. Les cartes satellites le montrent année après année. Par exemple, en 2022 la région amazonienne a perdu plus de 35 000 km² de forêt intacte dans la zone humide à cause de la déforestation et de la dégradation forestière, soit une augmentation d’environ 15 % par rapport à 2021. La déprise de la forêt n’est pas une conséquence malheureuse du commerce international, elle en est l’un des moteurs.
En France, en 2022, le pays a importé environ 3,3 millions de tonnes de soja, dont environ deux tiers provenaient du Brésil, région-clef de déforestation 4.
La responsabilité européenne, ou l’art de ne jamais regarder au bon endroit
Tant que l’Europe ne remettra pas en question son modèle agricole, celui qui dépend massivement du soja sud-américain pour nourrir ses élevages, et même avec les efforts consentis par le président Lula contre la déforestation (-33% depuis son retour au pouvoir 5), aucune COP ne changera la donne. On peut signer tous les traités du monde : si nos supermarchés continuent à vendre de la viande nourrie à la déforestation, la forêt amazonienne poursuivra sa chute. Et en face, il n’y aura que des discours. Toujours plus longs. Toujours plus vides.
(Photo Matthias Behr – CC)
Notes :
1 – Stockholm Environment Institute (SEI) –Trase data reveal the EU’s role in deforestation.
2 – Cirad – The European Union and imported deforestation: research has a vital role to play.
3 – Le Monde – La déforestation continue dans le Cerrado brésilien, principale région d’exportation de soja vers la France, 14 mars 2024.
4 – The Joint Research Centre – The Amazon region in 2022 and 2023: deforestation, forest degradation and the risk of growing soy production.
5 – Les efforts du président Lula réduisent la déforestation illégale en Amazonie, mais la pression commerciale et la demande de l’UE pour le soja et le bœuf brésiliens restent un facteur clé, contribuant notamment à l’expansion agricole dans le Cerrado, moins ciblé par les mesures de protection.
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