Après l’échec de la COP30, à quoi ressemblerait une gouvernance climatique réellement efficace ?
Deux semaines de négociations, des nuits de marchandages, et au final un texte sans contrainte, sans calendrier, sans engagement clair sur la fin des énergies fossiles. La COP30 devait être un tournant. Elle s’achève en simple exercice de survie diplomatique. Alors, que faudrait-il vraiment pour changer le cours du climat ?
La COP30 restera dans l’histoire, mais pas comme un succès. À Belém, on espérait un accord à la hauteur de l’urgence scientifique, un coup d’arrêt à trente ans de demi-mesures. On en sort avec un texte édulcoré qui « préserve le multilatéralisme » mais sacrifie l’essentiel : aucune mention contraignante d’une sortie du pétrole, du gaz ou du charbon. La demande d’un « phasing out » portée par plus de 80 pays a été balayée sous la pression des producteurs d’hydrocarbures.¹
Le résultat est si faible qu’ONG et observateurs parlent d’un « échec dangereux », d’un accord « à côté de la crise ».² On obtient une promesse de tripler les financements pour l’adaptation d’ici 2035, sans calendrier, sans obligations, sans outils de vérification.³ Les engagements adoptés à Belém ne modifient en rien la tendance : selon les analyses internationales, la trajectoire actuelle mène toujours vers un réchauffement d’environ +2,5 °C.⁴
Un système de négociation condamné à produire du vide
Depuis 1995, les COP avancent comme si la diplomatie pouvait annuler les lois physiques. Le problème n’est pas seulement politique : il est structurel. Le consensus à 198 pays rend impossible toute décision qui contraint réellement quelqu’un. Les États les plus vulnérables réclament des règles, les États fossiles réclament de la flexibilité et on accouche d’une déclaration qui fait semblant de contenter tout le monde.
A l’arrivée, trente COP plus tard, les émissions sont plus élevées qu’au moment de la première COP. Chaque année, les rapports scientifiques viennent rappeler que le temps n’est plus au compromis mou, mais aux ruptures systémiques. Pourtant, on continue de produire des accords qui ne changent presque rien.
Il faut un mécanisme contraignant, pas un vœu pieux
Une gouvernance climatique réellement efficace commencerait par le contraire exact de ce que sont les COP aujourd’hui : des engagements obligatoires, chiffrés, assortis d’un mécanisme de contrôle international. Les pays les plus riches contribueraient en fonction de leur responsabilité historique. Enfin, les objectifs nationaux seraient automatiquement relevés si la trajectoire mondiale dérive au-delà des limites planétaires.
Le fait que 276 affaires climatiques aient déjà atteint les plus hautes juridictions entre 2015 et 2024⁵ montre qu’un début de régulation existe. Mais il reste dépendant des tribunaux nationaux, pas d’un traité global. Un État peut signer un accord, ne rien faire, revenir l’année suivante pour poser sur la photo. Un tribunal climatique doté d’un pouvoir de sanctions, qu’elles soient financières ou commerciales, changerait la donne.
Ce type d’institution est loin d’être une utopie. Les systèmes juridiques existants montrent qu’un corpus d’obligations contraignantes peut transformer la gouvernance environnementale.⁶
Une planification mondiale des énergies fossiles
Tant que chaque pays décidera seul d’ouvrir ou non des gisements pétroliers, rien n’avancera. Il faut un calendrier international de réduction de la production fossile : années de pic, pourcentages de baisse, interdiction progressive de l’exploration.
La COP30 n’a pas osé franchir cette ligne. Elle a préféré renvoyer la question aux « roadmaps volontaires » que chaque État élaborera… ou non. Une manière élégante de gagner du temps, alors que les mécanismes du climat, eux, n’en accordent plus.
Une nouvelle architecture climatique devrait commencer par exclure les représentants des industries fossiles des négociations, au lieu de leur dérouler le tapis rouge comme à Belém. Intégrer les peuples autochtones et les communautés locales à la table des négociations est une nécessité, pas un geste symbolique.
Enfin, le financement des pays vulnérables ne peut plus dépendre de promesses creuses. Le fonds « Pertes et dommages » reste dramatiquement sous-alimenté. Les engagements pris lors des COP sont loin des 100 à 580 milliards de dollars nécessaires par an d’ici 2030.⁷
Tant que ces principes resteront hors de portée, les COP seront condamnées à produire ce qu’elles produisent déjà : des textes de plus en plus longs, des ambitions de plus en plus faibles et des trajectoires climatiques de plus en plus dangereuses.
La bonne nouvelle ? On sait exactement ce qu’il faut faire. La mauvaise ? Aucun dirigeant n’a encore décidé de toucher au cœur du problème.
Photo : hlcchampions
Notes
- COP30 : refus d’un engagement ferme sur la sortie des fossiles. Le Monde, 23 novembre 2025.
https://www.lemonde.fr/en/environment/article/2025/11/23/cop30-s-unambitious-agreement-preserves-multilateralism-but-overlooks-the-climate-emergency_6747745_114.html - Réactions ONG : accord « dangereusement faible ». Le Monde, ibid.
- Promesse de tripler les financements d’adaptation. Times of India, 23 novembre 2025.
https://timesofindia.indiatimes.com/world/rest-of-world/cop30-ends-with-mixed-results-agrees-to-triple-adaptation-funds-but-fails-on-roadmap-to-phase-out-fossil-fuels/articleshow/125511671.cms - Trajectoire actuelle : +2,5 °C. Le Monde, ibid.
- 276 cas climatiques devant les plus hautes cours. LSE – Global Trends in Climate Litigation 2025.
https://www.lse.ac.uk/granthaminstitute/wp-content/uploads/2025/06/Global-Trends-in-Climate-Change-Litigation-2025-Snapshot.pdf - Angstadt JM, 2023, revue sur les tribunaux environnementaux.
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2589811623000290 - Estimation besoins pertes et dommages. UNEP – Adaptation Gap Report 2023.
https://www.unep.org/resources/adaptation-gap-report-2023
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