Heures de cours non assurées au collège : la Cour des comptes confirme un dysfonctionnement massif
Près de 10 % des heures d’enseignement prévues ne sont pas assurées au collège. Un rapport vient de mettre des chiffres précis sur une réalité dénoncée depuis des années par les parents et les enseignants et rappelle à l’État ses obligations en matière de continuité du service public d’éducation.
Pendant longtemps, l’institution a minimisé. Parfois nié. Souvent relativisé. Cette fois, les chiffres sont là, noirs sur blanc. Dans un rapport appelé à faire date, la Cour des comptes établit qu’en 2023-2024, 9 % des heures d’enseignement prévues au collège n’ont pas été assurées, essentiellement faute de remplacement des enseignants absents. Autrement dit, près d’une heure de cours sur dix disparaît, sans solution pérenne, sans compensation réelle, sans continuité pédagogique assurée.
Rapporté à l’échelle nationale, cela représente environ 10 millions d’heures de cours perdues chaque année dans les collèges publics et privés sous contrat de France métropolitaine. Un chiffre massif, qui touche directement 3,2 millions d’élèves et met en cause la capacité de l’État à remplir une mission pourtant élémentaire : dispenser les enseignements obligatoires fixés par les programmes.
Une alerte documentée, enfin reconnue
Pour la FCPE, première fédération de parents d’élèves de l’école publique, ce rapport sonne comme une reconnaissance officielle de ce que les familles vivent au quotidien (1). « Nous prenons acte et exprimons notre satisfaction de voir la situation que nous dénonçons depuis des années reprise noir sur blanc », réagit l’organisation.
La fédération rappelle avoir contribué à l’élaboration du rapport, à travers des auditions nationales, des rencontres en régions, mais aussi par la transmission de la base de données de la plateforme ouyapascours.fr, alimentée depuis plus de dix ans par des parents volontaires. Un outil militant et citoyen, né de la colère et du découragement face aux absences d’enseignants non remplacées, et qui a permis de documenter précisément l’ampleur du phénomène.
Pour la FCPE, le texte « servira de référence » et engage désormais clairement la responsabilité du gouvernement. Car les magistrats de la rue de Cambon ne se contentent pas d’un constat : ils rappellent une évidence juridique trop souvent oubliée. L’État a l’obligation d’organiser le service public d’éducation pour assurer toutes les heures de cours dues aux élèves, par matière et par niveau.
Des inégalités scolaires renforcées
Le rapport met également en lumière une réalité persistante : le temps d’enseignement perdu n’est pas réparti équitablement. Les collèges situés en éducation prioritaire sont plus durement touchés, avec 11 % d’heures non assurées, contre 8 % hors REP. Les élèves de troisième, qui préparent le brevet, figurent parmi les plus pénalisés, accumulant des retards dans leurs apprentissages à un moment clé de leur parcours scolaire.
Pour la FCPE, le constat est sans appel : « L’égalité des chances est une nouvelle fois un mirage dans ces établissements. Cela n’est pas acceptable. » Une formule qui résume le sentiment d’abandon ressenti par de nombreuses familles, notamment dans les territoires les plus populaires, où les moyens de compensation (cours particuliers, soutien privé, accompagnement familial) font souvent défaut.
Une désorganisation persistante du système éducatif
Autre enseignement majeur du rapport : le problème n’est pas uniquement financier. Malgré une hausse très significative des crédits consacrés au remplacement des enseignants (plus de 2 milliards d’euros par an), les résultats restent très en deçà des besoins, en particulier pour les absences de courte durée.
La Cour pointe notamment la faiblesse et l’hétérogénéité des outils de gestion des ressources humaines selon les rectorats. Certains ont développé des systèmes efficaces, d’autres improvisent encore avec des outils partiels, mal articulés ou obsolètes. « Faire un tel constat à l’heure de l’intelligence artificielle est sidérant », souligne la FCPE, qui plaide pour une modernisation urgente du pilotage national et académique.

Les enseignants dénoncent une crise structurelle
Du côté des syndicats enseignants, le diagnostic rejoint celui des parents. Dans L’Humanité, Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU, principal syndicat du second degré, rappelle que ces chiffres n’ont rien de surprenant. « Ils viennent objectiver la situation des établissements scolaires. On sait que le sujet du remplacement est l’un des graves problèmes de notre système scolaire », souligne-t-elle.
Pour les représentants des personnels, la pénurie de remplaçants, l’augmentation des absences pour raisons de santé, l’épuisement professionnel et les difficultés de recrutement constituent une crise structurelle, que les dispositifs ponctuels mis en place ces dernières années ne permettent pas de résoudre durablement.
La baisse démographique, un choix politique à venir
La Cour des comptes évoque enfin la baisse démographique attendue dans le second degré, avec 25 % d’élèves en moins à l’horizon 2034. Une évolution qui pourrait, selon elle, offrir des marges de manœuvre pour mieux organiser le service public d’éducation et améliorer le remplacement des enseignants absents.
Mais cette perspective porte un risque majeur. L’État ne doit surtout pas être tenté de profiter de cette baisse pour faire des économies supplémentaires. Moins d’élèves ne devrait pas signifier moins de moyens, mais au contraire davantage de personnels au contact des élèves : enseignants, remplaçants formés, personnels éducatifs et d’accompagnement capables de combler les manques accumulés par des années de sous-investissement.
Si la transition démographique est utilisée comme un levier budgétaire, les inégalités scolaires continueront de se creuser. Si elle devient au contraire l’occasion d’un plan ambitieux de renforcement de l’Éducation nationale, alors ce rapport pourra marquer un tournant. La Cour des comptes a posé un diagnostic clair. Reste désormais à savoir si l’État choisira de s’en saisir ou de l’ignorer une fois de plus.
(Photo Miroshnichenko – CC)
Notes :
1 – FCPE – Rapport de la cour des comptes sur les heures d’enseignement perdues au collège.
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