Dossier LNP spéciale rentrée des classes — Repenser l’École publique, de la petite enfance à l’université
Notre dossier spécial rentrée des classes engage le débat à partir des propositions des organisations syndicales d’enseignants et de parents, des chercheurs et des forces politiques progressistes, en les confrontant à l’état des connaissances et à l’actualité des politiques publiques. Nous publierons tout au long de la semaine quatre volets : réduire les inégalités par la gratuité réelle, repenser les rythmes pour mieux apprendre et mieux vivre, donner enfin les moyens humains de la réussite et apprivoiser l’intelligence artificielle à l’école pour la mettre au service des professeurs et des élèves.
Premier volet
L’égalité à l’école : pour une gratuité réelle et effective
Cantine, transports, fournitures, activités : il faut faire cesser le « reste à payer » qui trie socialement, de la petite enfance aux études supérieures
À chaque rentrée des classes, l’angoisse frappe des millions de foyers français. Listes de fournitures interminables, factures de cantine, frais de transport, activités périscolaires hors de prix : l’« école gratuite » de la République n’est pour beaucoup plus qu’un slogan.
Cette réalité, les fédérations de parents d’élèves la dénoncent depuis des années. La FCPE a récemment formalisé cette critique en proposant vingt mesures concrètes pour « L’école de demain », articulées autour d’un principe simple : éliminer le « reste à payer » qui transforme l’éducation en marqueur social¹.
13 milliards pour une révolution éducative
Les chiffrages publiés en 2024 par la gauche dessinent les contours d’une ambition : 13 milliards d’euros annuels pour garantir la gratuité intégrale de la scolarité obligatoire². Cette enveloppe couvrirait cantines, fournitures, transports et manuels, transformant radicalement l’accès à l’éducation.
La France insoumise structure sa vision autour de plusieurs piliers : cantines gratuites, classes à effectifs européens (19 élèves maximum), abolition de Parcoursup et allocation d’autonomie de 1 063 euros mensuels pour les jeunes détachés du foyer familial³ ⁴. Une approche systémique qui refuse les demi-mesures.
Les Écologistes privilégient quant à eux une « dotation progressive » : concentrer les moyens sur les établissements accueillant le plus d’élèves issus des milieux populaires, tout en conditionnant la carte scolaire à des objectifs de mixité sociale contraignants⁷.
Rompre avec la ségrégation subventionnée
L’école privée sous contrat cristallise les contradictions du système. Ces établissements perçoivent plus de 8 milliards d’euros de financements publics annuels sans contreparties suffisantes en matière de mixité sociale⁸. Résultat : l’État finance de facto la ségrégation éducative.
Conditionner ces financements à des objectifs de mixité effective permettrait de réconcilier promesse républicaine et pratiques concrètes. Cette exigence rejoint les revendications de SUD éducation et de la FCPE, qui demandent l’arrêt du financement public du privé tant que les obligations de service public ne sont pas respectées¹ ⁹.
Un continuum de la crèche au campus
L’égalité éducative ne saurait se limiter aux années scolaires. Elle exige un plan d’accueil massif de la petite enfance avec la création de milliers de places en crèches publiques.
Pour l’enseignement supérieur, les organisations de gauche convergent sur plusieurs priorités : suppression de Parcoursup, instauration d’un revenu étudiant (850 à 1 063 euros selon les formations politiques), élargissement et revalorisation des bourses. Face à l’explosion des frais indirects dans le supérieur, la généralisation du repas à 1 € pour les étudiants précaires constitue un palliatif utile, mais insuffisant sans une politique de gratuité et d’allocation d’autonomie universelle⁵ ⁶.
Le PCF propose un « plan d’urgence » incluant des recrutements massifs d’enseignants et le renforcement des droits sociaux jusqu’à 25 ans¹⁰. Le NPA va plus loin en réclamant l’abrogation de toutes les réformes sélectives et le refus de toute marchandisation éducative¹¹.
L’investissement qui transforme
L’objection financière ne résiste pas à l’analyse. Les comparaisons internationales démontrent que les pays investissant massivement et précocement dans l’éducation réduisent durablement les inégalités scolaires.
À court terme, la gratuité réelle soulage les familles modestes, améliore la fréquentation des cantines (enjeu de santé publique majeur), démocratise l’accès aux pratiques culturelles et sportives et diminue le décrochage scolaire.
À moyen terme, des effectifs réduits et l’élimination du « reste à charge » stabilisent les trajectoires éducatives, particulièrement pour les élèves des milieux populaires. L’objectif est limpide : que les conditions de naissance cessent de déterminer le destin scolaire.
Une ambition à la hauteur des enjeux
La transformation du système éducatif français ne relève pas de l’utopie mais de la volonté politique. Les propositions existent, les chiffrages aussi. Il ne manque plus que la décision de faire de l’égalité réelle le cœur d’un projet de société qui place l’éducation au centre de ses priorités.
Car derrière les milliards d’euros et les réformes structurelles se dessine une vision simple : celle d’une école qui tient ses promesses républicaines, où chaque enfant dispose des mêmes chances de réussite, quel que soit le quartier où il grandit, quelle que soit la famille dans laquelle il est né.
(Photo D.R.)
Notes :
1 – FCPE, 20 mesures pour l’école de demain (PDF) :
2 – Le Monde (27/06/2024), Législatives 2024 : pour l’école, la gauche dépenserait
13 milliards d’euros, Ensemble 42 millions.
3 – LFI, livret « Éducation » (PDF)
4 – LFI, programme éducation et autonomie à 1 063 €.
5 – Service-Public (12/09/2024), Repas Crous à 1€.
6 – MESR (03/02/2025), Aide restauration étudiante.
7 – Les Écologistes, « Éducation et culture en partage ».
8 – Le Monde – Les Décodeurs (03/04/2024), Quels sont les règles, financements et contrôles pour l’enseignement privé en France ?
9 – SUD éducation, Fin du financement public du privé.
10 – Institut Montaigne : Créer un revenu étudiant de 850 euros par mois.
11 – NPA, l’Anticapitaliste : Leur école et la nôtre.