Dossier rentrée (4/4) – IA à l’école : un outil pour personnaliser et émanciper, pas pour surveiller ni privatiser
Les maître mots, alors que l’intelligence artificielle envahit l’école autant que le domicile sont former, encadrer, équiper. Et toujours garder l’humain aux commandes.
L’intelligence artificielle générative bouleverse déjà l’école. Bonne nouvelle : on peut l’orienter vers plus d’égalité, à condition d’un cadre robuste. L’UNESCO a publié en 2023 des recommandations mondiales : prioriser une vision « centrée sur l’humain », garantir l’équité d’accès, la transparence, la protection des données et bâtir les compétences des enseignants¹. En France, un « cadre d’usage de l’IA en éducation » a été publié en juin 2025 après une vaste consultation : il balise les usages pédagogiques, juridiques et éthiques pour éviter la fuite des données d’élèves, l’opacité des algorithmes et l’automatisation sauvage de l’évaluation². La CNIL, l’autorité de protection des données, a publié des guides pratiques pour les enseignants comme pour les responsables d’établissements : consentement, minimisation, choix d’outils, documentation, droit d’accès³.
À quoi peut servir utilement l’IA
Bien encadrée, l’IA peut assister les enseignants : aide à la préparation de cours, différenciation d’exercices, feedback plus rapides, repérage des notions non acquises, adaptation pour les élèves à besoins éducatifs particuliers ou dont le français n’est pas la langue maternelle, outils d’accessibilité (lecteur vocal, sous-titres, simplification lexicale). Elle peut aussi aider les élèves : entraînements personnalisés, reformulation, tuteurs de lecture, aides méthodologiques. Mais l’IA ne remplace pas le pédagogue : c’est un calepin, pas une boussole. Les retours d’académies pilotes et de projets financés par France 2030 pointent une même condition : la formation continue et le temps dégagé, sinon l’outil reste anecdotique ou contre-productif⁴.
Pour la gauche : maîtrise publique, logiciels libres, sobriété numérique
Du côté de la gauche, LFI place la souveraineté numérique au centre de ses préoccupations : privilégier les logiciels libres, maîtriser les infrastructures et les données, réduire la dépendance aux plateformes privées, garantir le droit à des services hors numérique pour éviter une double peine des plus fragiles⁵. Les Écologistes insistent sur une éducation au et par le numérique qui soit émancipatrice, sobre et démocratique ; le PCF défend des investissements publics pour des communs numériques éducatifs, open-source, interopérables et auditables ; le NPA alerte contre la privatisation de l’école via les EdTech (entreprises spécialisées dans les nouvelles technologies éducatives) et la surveillance des élèves sous couvert d’efficacité. Le point commun : l’IA ne doit jamais devenir un cheval de Troie commercial ni une machine à classer socialement.
Les syndicats veulent des outils choisis par les équipes, pas imposés par le haut
Du côté des syndicats, c’est la prudence qui prime, comme chez le SNES-FSU qui insiste pour que tout cadre d’usage de l’IA soit transparent, débattu et que les agents de l’éducation soient réellement consultés et informés. La CGT FERC-Sup et CGT Éduc’action défendent des services publics numériques, la fin des subventions au privé lucratif de l’ESR (enseignement supérieur et recherche) et une gouvernance où les personnels décident des outils ; SUD éducation et FO exigent des garanties fermes : pas d’atteinte aux données, pas de contrôle managérial via l’IA et du temps de formation reconnu⁶. Ces lignes rouges sont de bon sens : un établissement doit pouvoir refuser un outil opaque et choisir une alternative libre hébergée en France, même si elle est moins « clinquante ».
Une feuille de route simple pour 2025-2027
En résumé tous entendent former les équipes, commencer par des usages ciblés (accessibilité, feedback, remédiation), auditer chaque outil, documenter les prompts et les scénarios et surtout contractualiser avec des fournisseurs qui respectent le RGPD et l’interopérabilité. L’IA n’est pas une baguette magique, c’est un levier parmi d’autres pour alléger certaines tâches et personnaliser là où c’est pertinent. Sans moyens humains, aucun outil ne compensera des classes surchargées ou des élèves non accompagnés ; avec des moyens et un cadre, l’IA peut faire gagner du temps utile et redonner de la respiration pédagogique.
(Photo © École polytechnique – J.Barande)
Notes :
1 – UNESCO, Guidance for Generative AI in Education and Research (2023) : https://www.unesco.org/en/articles/guidance-generative-ai-education-and-research
2 – Ministère de l’Éducation nationale, « Cadre d’usage de l’IA en éducation » (06/2025) : https://www.education.gouv.fr/cadre-d-usage-de-l-ia-en-education-450647
3 – CNIL, « Enseignant : comment utiliser un système d’IA en classe » (20/06/2025) : https://www.cnil.fr/fr/enseignant-usage-systeme-ia
4 – Ministère, Territoires numériques éducatifs / France 2030 : https://www.education.gouv.fr/l-utilisation-du-numerique-l-ecole-12074
5 – LFI, livret « Faire du numérique un bien commun » (2024) : https://programme.lafranceinsoumise.fr/wp-content/uploads/2024/02/Livret_UP_17_NUMERIQUE_web.pdf
6 – FERC-CGT, dossier « Enseignement supérieur privé lucratif » (2025) : https://cgt.fercsup.net/l-echo-du-sup/echo-du-sup-no-7-dossier-l-enseignement-superieur-prive/article/enseignement-superieur-prive-quelles-consequences-sur-les-etudiant-es
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