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Écoles-fournaises : la République abandonne ses enfants face à la canicule

Quand les salles de classe deviennent dangereuses, il est plus que temps d’agir. Un plan de rénovation massif n’est plus une option, c’est une urgence sanitaire et sociale.

Des salles de classe à 35°C, des enfants malades, 200 écoles fermées : est-ce cela, l’École de la République ? En cette fin juin, la France suffoque à nouveau. Et avec elle, les élèves et les personnels éducatifs, pris au piège de bâtiments vétustes, inadaptés, transformés en bouilloires thermiques dès les premières chaleurs. L’Éducation nationale, fidèle à sa ligne du « pragmatisme » local, improvise. Tandis que des municipalités ferment des établissements, la ministre Élisabeth Borne renvoie les responsabilités aux préfets, aux recteurs, aux directeurs d’école. Mais cette gestion au cas par cas ne fait plus illusion : c’est bien d’un plan national dont nous avons besoin.

Un enjeu sanitaire, éducatif, social et climatique

Les plus jeunes sont, avec les plus anciens, les plus vulnérables face à la chaleur. Déshydratation, maux de tête, vomissements, baisse de concentration, troubles du comportement : les conséquences sont connues, documentées, et chaque épisode caniculaire les rend plus visibles. À plus de 30 °C dans une salle de classe, les apprentissages deviennent une épreuve. À 35 ou 36 °C, ils deviennent dangereux.

Les textes existent pour protéger les salariés face aux températures extrêmes. Mais pas pour les enfants. Pas de seuil au-delà duquel les établissements doivent être fermés. Pas de droit au « congé canicule ». Pas de protocole clair, national, contraignant. Une zone grise indigne d’un pays qui prétend offrir à chacun un égal accès au service public d’éducation.

Le bâti scolaire est majoritairement hors d’âge

Le constat n’est pas nouveau. 80 % des écoles, collèges et lycées publics nécessitent une rénovation thermique. Façades vitrées sans protection solaire, fenêtres bloquées pour raisons de sécurité, toitures plates exposées, sols bitumés créant des îlots de chaleur… Les bâtiments scolaires français ne sont pas seulement obsolètes : ils sont dangereux.

Seulement 14 % des établissements scolaires répondent aux normes dites « basse consommation ». Et dans les territoires ultramarins, les réalités sont souvent pires : manque d’eau, absence de normes parasismiques ou paracycloniques, écoles préfabriquées… La France de l’égalité républicaine se fissure à mesure que les thermomètres grimpent.

Il faut investir d’urgence

La FCPE, la CGT Éduc’action, le SNES-FSU, la CFDT, les Amis de la Terre, Greenpeace, Oxfam et bien d’autres alertent : il faut un plan national, massif, financé. Selon les estimations du Sénat, de l’Assemblée nationale et de plusieurs rapports d’experts, entre 40 et 50 milliards d’euros sont nécessaires pour rénover le parc scolaire en dix ans. Soit 5 milliards par an, à peine plus que ce que l’État accorde annuellement à l’industrie automobile en niches fiscales.

Ce plan devrait s’appuyer sur une approche globale et coordonnée. D’abord, il faudrait établir un diagnostic obligatoire et public de chaque établissement, évaluant l’isolation, l’exposition solaire, la qualité de l’air et l’étiquette énergétique. Cette photographie précise permettrait de hiérarchiser les urgences et d’adapter les solutions aux spécificités locales.

Ensuite, des normes contraignantes de confort thermique, de ventilation et de prévention devraient être mises en place. Zones d’ombre, végétalisation, ventilation naturelle ou mécanique, films antisolaires : autant de mesures qui ne relèvent plus du luxe mais de la nécessité sanitaire. Ces standards nationaux garantiraient une égalité de traitement entre tous les territoires.

Enfin, un fonds national dédié, abondé par l’État, soutiendrait les collectivités territoriales, en particulier les plus petites, qui n’ont pas les moyens d’agir seules. Car la rénovation thermique ne peut pas être une variable d’ajustement budgétaire local quand il s’agit de la santé des enfants.

Un levier économique majeur

Investir dans la rénovation des écoles, c’est aussi un formidable levier économique. Un plan à 50 milliards, c’est des dizaines de milliers d’emplois non délocalisables dans le bâtiment, l’isolation, la menuiserie, la gestion énergétique, la végétalisation urbaine. C’est former une nouvelle génération d’artisans, c’est relancer la demande intérieure. C’est accélérer la transition écologique avec un plan aux accents keynésien : de la dépense publique utile au service de la justice sociale et de la transition écologique.

Que manque-t-il alors ? Certainement pas les rapports, ni les alertes. Ce qui fait défaut, c’est la volonté politique. À chaque canicule, les mêmes constats. Les mêmes paroles de compassion. Et les mêmes inactions. Pendant que des enfants suffoquent dans les classes, le gouvernement coupe dans le Fonds vert et renvoie les responsabilités aux collectivités, aux rectorats, aux directeurs d’établissement.

Rénovons l’école. Pour la santé de nos enfants. Pour la justice territoriale. Pour le climat. Et pour que l’Éducation nationale ne soit plus, chaque été, prise de court par une chaleur désormais structurelle.

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