Le budget 2026 s’attaque aux apprentis : une réforme injuste et hypocrite
Le projet de loi de finances 2026 prévoit de ponctionner lourdement l’apprentissage en réduisant aides et exonérations. Une mesure aberrante et indigne, qui s’en prend à de jeunes travailleurs en formation alors même que la majorité macroniste et la droite prétendent défendre la « valeur travail ».
À partir du 1ᵉʳ janvier 2026, les nouveaux contrats d’apprentissage ne bénéficieront plus de l’exonération de 50 % de cotisations sociales salariales. Cela entraînera une baisse immédiate du salaire net pour des milliers de jeunes. L’aide forfaitaire de 500 € au permis de conduire, instaurée en 2019 pour faciliter leur mobilité, sera également supprimée. Enfin, les aides à l’embauche d’apprentis chuteront de 3,1 milliards d’euros en 2025 à 2,1 milliards en 2026. Voici en quelques phrases ce que réserve à l’apprentissage le projet de loi de finances proposé par le gouvernement Lecornu.
L’Association nationale des apprentis de France (ANAF) dénonce une « attaque contre le pouvoir d’achat » des alternants, évaluant la perte entre 101 € et 187 € nets par mois, selon l’âge et le niveau de formation. Pour des jeunes souvent payés en dessous du Smic, cette ponction est lourde. La fin de l’aide au permis aggravera encore la situation, notamment dans les zones rurales ou périurbaines où la voiture reste indispensable.
« Valeur travail » : la droite en pleine contradiction
Du côté des employeurs et des CFA, on redoute un effet dissuasif. Réduire les aides « enverra un mauvais signal à toute une filière », prévient la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB). Après plusieurs années de progression record (plus d’un million de contrats en cours fin 2023, selon le ministère du Travail), cette politique pourrait briser la dynamique. « On ne peut pas laisser ça comme ça, c’est du rabot général ! », s’insurge même le sénateur Olivier Rietmann, pourtant membre des LR. Les acteurs de la formation dénoncent de leur côté une vision à court terme : quelques dizaines de millions d’euros « économisés » aujourd’hui se traduiront demain par davantage de chômage des jeunes et un déficit de main-d’œuvre qualifiée.
Cette offensive suscite un tollé politique. À gauche, on dénonce une mesure idéologique et incohérente avec les discours du camp présidentiel.« Favoriser ceux qui se lèvent tôt », « récompenser le mérite » : ces slogans sonnent creux quand le gouvernement choisit de rogner le salaire de jeunes qui étudient et travaillent. « Macron veut augmenter les taxes sur les apprentis qui bossent pour moins d’un Smic », a tonné Louis Boyard (LFI) à l’Assemblée nationale.
211 milliards pour les entreprises, des miettes pour les apprentis
Chaque année, l’État consacre des sommes considérables en aides et en allègements au bénéfice des entreprises. Selon une commission d’enquête sénatoriale, ces aides représentaient au moins 211 milliards d’euros en 2023. Aucune évaluation sérieuse ne prouve leur efficacité en matière d’emploi ou d’investissement durable. Dans le même temps, les sociétés du CAC 40 ont redistribué près de 80 milliards d’euros à leurs actionnaires en 2022. Ce contraste est révoltant : comment justifier de faire des économies sur des apprentis gagnant à peine le Smic, alors que des milliards d’argent public continuent d’engraisser les grandes fortunes ?
Un front uni contre la mesure
Face à la réforme, un front commun émerge : organisations de jeunesse, syndicats et branches professionnelles. Les Jeunes Communistes, les Jeunes Socialistes et les Jeunes Insoumis dénoncent une attaque contre une filière censée être une voie d’excellence pour l’insertion professionnelle. Même des syndicats « réformistes » comme La CFDT et la CFTC s’insurgent et redoutent une baisse du nombre de contrats si l’État « cesse d’accompagner les jeunes et les employeurs dans l’alternance ». La CPME critique elle aussi le gouvernement pour ce « mauvais signal envoyé à ceux qui forment des jeunes ».
Au Sénat, la commission des affaires sociales a adopté des amendements pour limiter la casse, notamment en maintenant certaines aides pour les petites entreprises formatrices.
Vers un recul du gouvernement ?
De son côté, le gouvernement tente de se justifier en parlant de « rationalisation des dépenses » et de recentrage sur les « métiers d’avenir ». Mais ces arguments peinent à convaincre : « Si diminuer ces aides, c’est la définition du train de vie de l’État, il y a erreur ! », répond encore Olivier Rietmann.
Conscient de la polémique, le ministère du Travail évoque la possibilité d’un compromis, comme le maintien partiel de l’exonération pour les plus petits salaires ou la transformation de l’aide au permis. Mais rien n’est garanti. En attendant, la mobilisation grandit avec une pétition lancée par l’ ANAF, des campagnes sur les réseaux sociaux et l’interpellation d’élus.
« Les apprentis ne sont pas une variable d’ajustement. Ils produisent de la richesse et méritent respect », rappelle un tract syndical.
S’en prendre aux apprentis, c’est une faute à la fois politique et morale. Les économies attendues sont négligeables, mais le signal envoyé est catastrophique : après avoir reculé l’âge de la retraite et durci l’assurance chômage, le gouvernement choisit maintenant de frapper la jeunesse au portefeuille.
En oubliant à chaque fois que derrière les équilibres budgétaires, il y a des vies.
(Photo DR – CC)
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