L’épilogue Bayrou : le chantage de la dette a échoué
L’obsession anxiogène du « chaos » lié à la dette a percuté une opinion qui s’inquiète, mais refuse d’endosser la responsabilité d’un problème largement créé par des choix politiques et des cadeaux fiscaux. Alors que la question des recettes a délibérément été ignorée.
Au lendemain de la chute du gouvernement Bayrou, le constat est sans appel : le récit qui voulait opposer « le chaos à la responsabilité » n’aura convaincu ni l’Assemblée ni le pays. Brandir la dette comme une apocalypse imminente a entériné l’image d’une droite qui parle au portefeuille des marchés plus qu’aux difficultés des ménages. Les Français serrent les dents, mais ne se sentent pas coupables de l’addition. Et pour cause.
Non, la « dépense sociale » n’a pas flambé
L’inquiétude est pourtant réelle : 82 % des Français jugent urgent de réduire la dette, selon Bercy qui se base sur une étude de fin 2024 de l’Institut Elabe. Mais les sondés pointent d’abord la responsabilité des gouvernements successifs. Les dernières enquêtes placent nettement l’exécutif et les choix politiques en tête des causes perçues de l’endettement. Autrement dit, pression pour agir oui, culpabilisation non.
A la fin du premier trimestre de 2025, la dette au sens de Maastricht atteint 3 345 Mds € (113,9 % du PIB). Sa montée en régime depuis 2017 est indéniable, un fait désormais largement documenté jusque dans la presse généraliste. Mais contrairement au discours dominant, les dépenses de protection sociale (retraites, santé, famille, chômage…) sont revenues, en part de PIB, autour de leur niveau d’avant Covid : 31,5 % du PIB en 2023, soit un pourcentage proche de 2019, après la flambée du pic sanitaire de 2020. Mieux : en 2023, elles ont progressé moins vite que les prix ( +3,8 % en valeur pour une inflation à +4,9 %). On est loin d’une « explosion » structurelle.
Les chiffres clés
- Dette publique : 113,9 % du PIB (T1 2025). Déficit 2024 : 5,8 % du PIB. (Insee)
- Protection sociale : 31,5 % du PIB en 2023, proche de 2019 ; progression inférieure à l’inflation en 2023. (DREES)
- Baisses d’impôts 2018-2023 : – 62 Mds € de recettes (Cour des comptes)
- Baisse des prélèvements obligatoires depuis 2017 : – 2,5 pts de PIB (OFCE).
Le vrai trou d’air vient des recettes
La Cour des comptes rappelle ainsi que « la période 2018-2023 a été marquée par d’importantes baisses d’impôts, dont l’impact est estimé à 62 milliards d’euros en 2023, soit 2,2 points de PIB ». L’OFCE documente, de son côté, une baisse d’environ 2,5 points de PIB du taux de prélèvements obligatoires depuis 2017, soit la principale explication du creusement du déficit sur la période. Voilà le cœur du sujet : ce ne sont pas des « dépenses sociales débridées » qui ont déstabilisé les comptes, mais des choix fiscaux massifs et durables.
Pour défendre 44 Mds € de coupes (jours fériés supprimés, gel de prestations, etc.), Bayrou a dramatisé la situation et posé le débat en termes existentiels. Mais ce cadrage « moi ou le chaos », au lieu de ressouder la nation, a souligné la déconnexion avec un pays qui refuse de payer deux fois : d’abord via l’inflation et la stagnation des services publics, ensuite via l’austérité. Pour Bayrou, le chantage et la mise en scène auront été vains. Le début d’un sursaut ?
(Photo ABACAPRESS – CC)
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