Économie

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Les holdings familiales : l’exil fiscal en… France

Pendant que les classes populaires et moyennes paient plein pot, les ultrariches ont trouvé une échappatoire légale pour se soustraire à l’impôt sans même avoir à quitter le pays.

L’image de l’exil fiscal est familière : des fortunes qui s’envolent vers Genève, Londres ou Dubaï. Mais la réalité est plus subtile et plus pernicieuse. Les milliardaires français n’ont même plus besoin de traverser une frontière pour réduire drastiquement leur contribution fiscale. Leur arme ? La holding familiale, une structure parfaitement légale, taillée sur mesure pour transformer le droit en échappatoire. Même La Tribune, détenu par l’homme d’affaires Rodolphe Saadé (CMA CGM), s’est sentie un temps obligée de s’en étonner¹, avant de se raviser. Le titre de l’article était à l’origine :  » Les holdings familiales : le nouvel exil fiscal des ultrariches… sans quitter la France « . Il a depuis été mis à jour, probablement pour être plus en phase avec la ligne éditoriale : « Holdings et pacte Dutreil : des dispositifs devenus clés pour la gestion des patrimoines« …

Concrètement, au lieu de vendre leur entreprise à titre personnel et de se retrouver face à une imposition massive, les grandes fortunes passent par une holding. Au lieu de transmettre directement leur patrimoine et de supporter des droits de succession élevés, elles glissent leurs actions dans cette coquille juridique qui agit comme un coffre-fort fiscal. Et au lieu de payer l’impôt sur chaque euro de dividendes encaissé, elles bénéficient d’une exonération quasi totale. Autant dire qu’avec les bonnes clés, l’État se contente de récolter les miettes.

Une République à deux vitesses

Ce système n’a rien d’anecdotique. Selon le Conseil d’analyse économique, chaque euro de recettes attendu d’une taxation accrue sur les grandes fortunes se voit réduit de plus de la moitié, près de 54 centimes disparaissant dans les méandres de ces montages1. Cela ne relève pas du petit arrangement : c’est une hémorragie légale. Pendant ce temps, l’immense majorité des contribuables paient taxes, cotisations sociales et impôts sans possibilité d’échappatoire.

La holding familiale est ainsi le révélateur d’un système à deux vitesses. D’un côté, un pays où les classes populaires et moyennes voient leurs factures grimper, leurs services publics reculer et où l’on répète qu’il faut « faire des économies ». De l’autre, une élite qui transforme les lois fiscales en outil de conservation de son patrimoine, au mépris de l’effort collectif.

Quand la légalité devient un privilège

Ce qui choque, ce n’est pas seulement l’ampleur des avantages, mais leur nature. Tout cela est légal. On ne parle pas de fraude ou de comptes offshore. On parle d’un droit organisé pour que ceux qui ont déjà tout puissent continuer à transmettre et à engranger, sans participer à hauteur de leurs moyens. La République sociale se fissure là où elle devrait être la plus solide : face aux inégalités de richesse.

Au fond, la holding familiale est l’exact contraire de l’idéal républicain. Au lieu de cimenter la solidarité, elle creuse le fossé. Au lieu de financer les écoles, les hôpitaux, la transition écologique, elle protège les fortunes privées. C’est un choix politique, pas une fatalité. Et tant que ce privilège perdurera, l’austérité imposée aux uns restera la contrepartie du confort des autres.

Comment ça marche ? 

Pour comprendre, il suffit d’imaginer une famille milliardaire qui détient une grande entreprise.
Si elle perçoit directement ses dividendes, elle sera imposée. Mais si elle crée une holding familiale, la donne change. Grâce au régime dit « mère-fille », 95 % des dividendes qui remontent à la holding échappent à l’impôt2.
Si elle revend son entreprise, la plus-value est reportée, voire neutralisée, à condition que la holding conserve ou réinvestisse l’argent3.
Et lorsqu’il s’agit de transmettre aux héritiers, le Pacte Dutreil permet de réduire les droits de succession jusqu’à 75 %4.
En clair, ce qui serait ruineux pour un citoyen ordinaire devient un simple jeu d’écriture pour un clan milliardaire.

Notes
1 -Conseil d’analyse économique, résumé par Public Sénat : « La taxation des ultra-riches n’entraînerait pas d’exil fiscal significatif », 2025.
2 – Régime mère-fille expliqué simplement par Pro Orange.
3 – Vidéo de vulgarisation sur l’apport-cession par Dougs Experts-Comptables.
4 – Guide pédagogique du Pacte Dutreil sur L’Expert-Comptable.

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