Les vignes empoisonnent leur voisinage : l’étude choc
L’étude nationale PestiRiv, conduite par l’Anses et Santé publique France, prouve que les riverains des vignobles, en particulier les enfants, sont massivement exposés aux pesticides. Urines, cheveux, poussières et air intérieur révèlent une contamination invisible mais bien réelle. Des données accablantes qui mettent à nu l’échec des politiques de protection et relancent la polémique autour de la loi Duplomb.
Le rapport PestiRiv, rendu public aujourd’hui, 15 septembre, par l’Anses et Santé publique France, marque une étape importante dans la connaissance de l’exposition aux pesticides en France. L’étude, menée entre octobre 2021 et août 2022 auprès de près de 2 000 adultes et 750 enfants, répartis sur 265 sites dans six régions viticoles, visait à comparer l’imprégnation des populations vivant à moins de 500 mètres de vignes et, à contrario, celles éloignées de toute culture. Mobilisant un budget de 11 millions d’euros, elle est la première de cette ampleur sur le sujet.
Les résultats confirment ce que de nombreux travaux laissaient présager : les riverains des vignobles présentent des niveaux de contamination plus élevés que les autres, dans leurs urines, leurs cheveux, l’air qu’ils respirent et les poussières de leur logement. Les écarts sont significatifs : +15 % à +45 % de concentration de pesticides dans les urines, jusqu’à douze fois plus dans l’air ambiant et des niveaux multipliés par dix à quarante-cinq dans les poussières domestiques.
Les enfants, population la plus vulnérable
Un point ressort avec une particulière gravité : la surexposition des jeunes enfants. Chez les 3 à 6 ans, la contamination est systématiquement plus élevée que chez les adultes et les enfants plus âgés. La raison tient à leurs comportements – proximité avec le sol, port fréquent des mains à la bouche – et à leur physiologie. Les chercheurs rappellent que les nourrissons, non inclus dans l’étude, pourraient être encore plus vulnérables.
Au-delà des chiffres, PestiRiv met en lumière la persistance de l’imprégnation. Les périodes de traitements viticoles entraînent des hausses marquées, avec certains pesticides jusqu’à 60 % plus présents dans les urines. L’air intérieur des habitations se charge également, et les poussières domestiques deviennent un vecteur majeur d’exposition.
Des protections insuffisantes et des demandes pressantes
La publication de PestiRiv intervient dans un contexte marqué par la loi Duplomb, qui a réduit les distances minimales entre zones de pulvérisation et zones d’habitations, fragilisant davantage la protection des riverains. Les associations Générations Futures et Alerte des Médecins sur les Pesticides (AMLP), à l’origine du signalement d’un agrégat suspect de cancers pédiatriques à Preignac en 2021, rappellent leur rôle dans le lancement et la défense de cette étude, pour la parution de laquelle ils avaient saisi la justice. Pour François Veillerette, porte-parole de Générations Futures, les conclusions « confirment officiellement » que les riverains sont plus exposés, surtout à proximité immédiate des cultures. L’association appelle désormais à une relance ambitieuse du plan Ecophyto, au retrait rapide des substances les plus dangereuses, à l’instauration de zones tampons d’au moins 100 mètres, à l’information systématique des habitants avant chaque épandage et à un accès public aux registres d’utilisation des pesticides.
Des recommandations claires, des réponses insuffisantes
L’Anses et Santé publique France insistent sur la nécessité de réduire les usages au strict nécessaire et d’améliorer l’information des habitants. Mais elles rappellent que la prévention individuelle – se déchausser, fermer ses fenêtres, éviter de consommer les produits du jardin – ne peut constituer une réponse suffisante. L’enjeu relève avant tout de politiques agricoles et environnementales.
Les chercheurs appellent également à croiser les données de PestiRiv avec des registres de santé. Les inquiétudes concernent notamment les cancers pédiatriques, les troubles du neurodéveloppement (autisme, troubles de l’apprentissage) et les maladies neurodégénératives. Des travaux récents ont déjà montré un lien entre la proximité des vignes et une hausse du risque de leucémie infantile.
En rendant ces données publiques, l’Anses et Santé publique France rappellent l’urgence d’une réduction réelle des usages et d’une meilleure protection des habitants. Mais au-delà du constat scientifique, c’est bien une décision politique qui s’impose : celle de réorienter les pratiques agricoles, de renforcer les règles de protection et d’accorder enfin la priorité à la santé publique. Le rapport PestiRiv ne doit pas rester une étude de plus, mais servir de point d’appui à une transition indispensable.
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