L’explosion des prix des médicaments menace l’accès aux soins
Le cas de l’anticancereux Keytruda, étudié par l’UFC-Que Choisir, illustre un modèle pharmaceutique financiarisé qui met à mal la soutenabilité du système de santé et l’accès équitable aux soins. De plus en plus d’acteurs s’y opposent et proposent des solutions pour mettre les médicaments à l’abri de la spéculation et des intérêts privés.
En 2024, l’Assurance maladie a dépensé plus de 2 milliards d’euros pour le Keytruda, l’anticancéreux le plus vendu dans le monde, vedette du laboratoire Merck. Ce chiffre, révélé dans une étude récente de l’UFC-Que Choisir, représente plus de 5% de l’ensemble des remboursements de médicaments en France. Le prix facial du traitement pouvant atteindre 70 000 euros par patient et par an, on est en droit de se demander combien de temps la santé publique va continuer à financer sans limite les logiques spéculatives des grands laboratoires. Et surtout, combien de temps le système de santé résistera encore avant de s’effondrer ?
L’UFC rappelle que les remises négociées par l’État , c’est-à-dire les réductions de prix obtenues auprès des laboratoires pharmaceutiques en échange d’un remboursement par la Sécurité sociale, sont couvertes par le secret des affaires. Ce qui exclu de fait tout contrôle démocratique. Des estimations indépendantes situent pourtant le prix équitable du Keytruda entre 52 et 885 euros. Alors que finance-t-on réellement : l’innovation médicale ou les opérations financières qui l’accompagnent ? L’association des consommateurs cite aussi le cas du Zolgensma, un médicament de thérapie génique utilisé dans le traitement de l’amyotrophie spinale infantile (SMA). Une injection unique ne coûte pas moins de 2 millions d’euros alors qu’il a été largement développé grâce à la recherche publique.
Ruptures de stocks de médicaments vitaux
Ces blockbusters pharmaceutiques ne sont pas neutres. Ils ponctionnent des ressources considérables au détriment des hôpitaux, des soignants et des équipements. Pour absorber ces coûts, l’État impose des économies sur les génériques et les biosimilaires1, ce qui fragilise la production locale et alimente les ruptures de stock. Fin 2024, près de 400 médicaments étaient indisponibles en France, y compris des traitements vitaux.
Face à cette dérive, l’UFC-Que Choisir n’est pas seule. En France, la Cour des comptes alerte sur l’explosion incontrôlée des dépenses liées aux anticancéreux innovants. Des associations de patients comme la Ligue contre le cancer dénoncent les prix abusifs qui menacent l’accès équitable aux soins. Au niveau européen, plusieurs pays ont choisi de se regrouper pour négocier ensemble, tandis que le Parlement réclame plus de transparence. L’Organisation mondiale de la santé souligne que les prix reflètent la capacité des systèmes de santé à payer plutôt que la valeur thérapeutique réelle. Des ONG comme Médecins sans frontières rappellent enfin que ces logiques excluent des millions de patients dans le monde.
Réflexion autour d’un pôle privé du médicament
Plusieurs propositions sont avancées. La transparence des prix réels et des brevets doit devenir la règle et non l’exception. La négociation doit se faire à l’échelle européenne pour rééquilibrer le rapport de force avec les géants du secteur. Les licences obligatoires prévues par le droit international doivent être utilisées dès que les prix deviennent abusifs. La relocalisation stratégique de la production des médicaments essentiels doit être engagée pour sécuriser l’approvisionnement et restaurer une souveraineté sanitaire.
Alors pourquoi ne pas voir plus loin avec la création d’un véritable pôle public du médicament, capable d’assurer la recherche, la production et la distribution des traitements essentiels, à l’abri des logiques spéculatives ? Une telle structure permettrait de planifier démocratiquement la politique du médicament et de garantir l’accès universel aux innovations thérapeutiques.
1 Un biosimilaire est un médicament très proche d’un traitement biologique déjà existant (comme l’insuline ou certains anticorps), qui offre la même efficacité et la même sécurité, mais à moindre coût.
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