Éditos

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Raphaël Glucksmann ou la réponse immunitaire du système libéral

Il faut bien l’avouer : le système a du génie. Face à la montée du ressentiment social, à la colère qui gronde contre l’injustice, il a trouvé son anticorps. Son nom ? Raphaël Glucksmann. Une molécule calibrée pour neutraliser la gauche réelle, celle qui met les mains dans le cambouis de la transformation sociale. Habillé en progressiste, parfumé à l’Europe et au « front républicain », il sourit en costume bleu nuit et promet de réinventer la gauche. Mais, curieusement, chaque fois que la route bifurque, il choisit la sortie de droite.

On nous dit que Rapahël Glucksmann incarne une génération nouvelle. Mais son CV est l’album de famille du système. Il a travaillé pour Mikhaïl Saakachvili, président néolibéral de Géorgie, en se vantant de collaborer avec Nicolas Sarkozy. Il a signé, avec son père, des tribunes dans la revue « Le Meilleur des Mondes », laboratoire d’un néoconservatisme assumé. En 2007, il a même flirté avec Alternative libérale, un groupuscule atlantiste qui voulait vendre l’État au plus offrant. Difficile de trouver pedigree plus clair : quand le système cherche un faux-nez de gauche, il ne va pas le dénicher chez Marx, mais chez ceux qui ont déjà un pied à droite et l’autre à Bruxelles.

Évidemment, Raphaël Glucksmann ne se présente pas comme un centriste honteux, mais comme l’homme du compromis. Sur Israël et Gaza, par exemple, jamais un mot trop dur, jamais une rupture avec la ligne de l’Europe la plus timorée. Sur la guerre en Ukraine, un atlantisme revendiqué, un alignement parfait. Sur la dette et le déficit, la promesse rassurante de rester « raisonnable ». Et sur l’union de la gauche, l’exclusion programmée de ceux qui mordent vraiment. Ce n’est pas une stratégie, c’est une fonction biologique : désactiver l’immunité populaire, vider la radicalité de sa substance, la rendre inoffensive.

Et pour que personne n’échappe au scénario, un sondage bien à propos l’a récemment placé aux portes du second tour de la présidentielle. Avec un message subliminal : « Chers électeurs de gauche, soyez raisonnables, oubliez vos rêves de transformation et rangez-vous derrière lui, sinon c’est le RN ». Le système adore cette mécanique pour faire croire à une alternative là où il n’y a que continuité. Car ce sont précisément ces figures qui, en promettant une gauche qui ne change rien, ouvrent un boulevard à l’extrême droite.

Ce scénario, nous l’avons déjà vu. Hollande s’était présenté comme « l’ennemi de la finance » avant de se transformer en serviteur zélé des marchés. Avec au bout du compte une déception massive, une colère intacte, et des millions d’électeurs populaires qui ont fini par se tourner vers le Rassemblement national. Car c’est ainsi que le système se protège, il fabrique de fausses gauches pour mieux tuer la vraie, puis il laisse les perdants du jeu croire que le salut se trouve chez l’extrême droite, qui n’est pourtant que la déclinaison la plus brutale et la plus inégalitaire du libéralisme.

Raphaël Glucksmann est l’incarnation chimiquement pure de ce procédé. Il offre à la bourgeoisie cultivée une caution morale, aux classes moyennes inquiètes une promesse de stabilité, aux institutions européennes une loyauté sans faille. Il est la réponse immunitaire du système libéral à la menace de la vraie gauche : celle qui ose parler de redistribution radicale, de taxe sur les grandes fortunes à la Zucman, de rupture avec l’ordre établi. Tout ce que le système craint, il le vaccine grâce à lui.

Alors, il ne faut pas s’y tromper. Derrière les grands mots, les sourires mesurés et l’élégance des tribunes, il n’y a pas de rupture, pas de transformation, pas d’horizon de justice. Il n’y a qu’un rôle : maintenir le système en vie, repousser l’infection égalitaire, prolonger l’injustice au nom de la responsabilité. Raphaël Glucksmann n’est pas l’avenir de la gauche : il est son anesthésiste.

(Photo Harald Krichel – CC)

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