Santé mondiale : en 2025, l’idéologie tue
Refus de la science, retrait des coopérations internationales, retour de maladies évitables : les États-Unis paient le prix de leur repli sanitaire.
Depuis le début de l’année 2025, et le second mandat de Donald Trump, les États-Unis ont intensifié leur retrait du système de santé mondial. La réduction drastique des financements de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la suspension de coopérations scientifiques cruciales et l’arrêt de programmes majeurs contre le VIH ou la tuberculose à l’étranger s’inscrivent dans une stratégie affichée de « protection des (seuls) intérêts américains ». Pourtant, ce repli idéologique fragilise directement la santé publique aux États-Unis et dans le monde entier.
Quand un virus est détecté trop tard, il est déjà chez vous
La plupart des grandes épidémies récentes – Ebola, Zika, Covid-19, grippe aviaire – ont émergé hors du territoire américain. C’est grâce à des programmes de surveillance financés en partie par les États-Unis, notamment via les CDC¹ en Afrique, en Asie ou en Amérique latine, qu’il a été possible d’agir rapidement.
Sous l’administration Biden, ces programmes avaient déjà été fragilisés, mais depuis 2025, plusieurs centres de surveillance au Nigeria ou en République démocratique du Congo ont vu leurs financements carrément interrompus. Or, ces centres jouent un rôle clé dans la détection précoce de virus comme celui de la poliomyélite.
Faute de moyens, les signaux d’alerte arrivent trop tard. Dès 2023, l’OMS avait signalé une hausse de 35 % des cas de poliomyélite en Afrique, causée par une forme rare mais évitable du virus. Ce phénomène survient lorsque la couverture vaccinale est insuffisante : le virus atténué contenu dans le vaccin oral peut circuler, muter et redevenir pathogène. Ce n’est donc pas le vaccin qui rend malade, mais le manque de vaccination.
Cette défaillance dans la veille sanitaire mondiale ne se limite pas à l’Afrique. En affaiblissant les mécanismes d’alerte internationaux, les États-Unis exposent l’ensemble de la planète à un risque accru de pandémies.
Moins de coopération, moins d’innovations
La recherche médicale mondiale repose sur la coopération internationale. Le partage d’échantillons, de données et de compétences a permis des avancées majeures, comme le développement des vaccins à ARN messager, des traitements contre le paludisme ou la compréhension des virus émergents.
En Afrique du Sud, plus de trente essais cliniques sur le VIH et la tuberculose ont été suspendus en début d’année en raison de la réduction des financements américains. Des chercheurs américains eux-mêmes alertent sur la perte d’influence scientifique des États-Unis, alors que la Chine multiplie ses coopérations sur le terrain.
Cette rupture nuit à l’ensemble de la communauté scientifique mondiale, en ralentissant la production de solutions communes face aux crises sanitaires.
Soigner les autres, c’est se protéger soi-même
En 2014, la riposte contre Ebola, largement soutenue par les États-Unis, a évité une catastrophe mondiale. Aujourd’hui, les coupes dans le programme PEPFAR², qui finançait la lutte contre le VIH dans 50 pays, pourraient entraîner 1,2 million de nouvelles infections et 500 000 décès évitables d’ici 2030, selon l’ONG EGPAF³.
Ce principe – soigner les populations vulnérables pour contenir les épidémies – est aussi à la base de systèmes comme l’AME (aide médicale d’État) en France : laisser tout le monde accéder aux soins protège la collectivité.
Le recul sanitaire frappe aussi de l’intérieur
En 2024, les CDC ont recensé 935 cas de rougeole dans 13 États américains, avec trois décès, dont deux enfants non vaccinés. Des foyers de coqueluche et de poliomyélite sont aussi réapparus dans des zones où la vaccination infantile chute dangereusement. Hôpitaux pédiatriques saturés, écoles fermées, parents inquiets… L’idéologie a des conséquences très concrètes.
En prétendant protéger les Américains, le gouvernement les expose davantage. Le repli réduit la détection des menaces, freine la recherche et rouvre la porte à des maladies que l’on croyait maîtrisées.
La santé, comme le climat ou la biodiversité, ne connaît pas de frontières. La traiter comme une affaire strictement nationale est non seulement inefficace, mais dangereux. Et quand c’est des États-Unis qu’il s’agit, c’est toute la planète qui encaisse le choc.
Notes
¹ CDC : Centers for Disease Control and Prevention, agence fédérale américaine de santé publique.
² PEPFAR : Programme présidentiel d’urgence pour la lutte contre le VIH/SIDA, financé par les États-Unis.
³ EGPAF : Elizabeth Glaser Pediatric AIDS Foundation, ONG spécialisée dans la lutte contre le VIH pédiatrique.