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Sarkozy en prison : enfin une bonne nouvelle pour l’État de droit et l’image de la France

L’incarcération de l’ancien chef d’État prouve que notre démocratie est encore vivace malgré les coups de boutoir portés partout dans le monde aux contre-pouvoirs, et tout particulièrement à la justice.

Le pouvoir est soumis au droit et les lois s’appliquent à tous, y compris aux gouvernants. En ces temps plus que troubles, l’arrivée à la prison de la Santé de l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, a le mérite de montrer au monde entier que le concept d’État de droit a encore un sens en France. Et ceux qui parlent d’une humiliation par pur esprit partisan devraient essayer d’imaginer le nombre de personnes qui rêveraient de vivre dans un pays où le plus haut personnage de l’État peut avoir à rendre des comptes s’il ne respecte pas la loi.

Alors bien sûr, il n’est pas question ici de laisser entendre que nous sommes tous égaux devant la loi. Et si Nicolas Sarkozy avec toute son influence, son argent et sa cohorte d’avocats n’a pas réussi à éviter la prison, il faut tout de même rappeler qu’il a déjà été condamné deux fois, de manière définitive, à de la prison ferme. La première fois dans le cadre de l’affaire dite « Bismuth », où il a écopé de trois ans de prison, dont un an ferme, pour corruption et trafic d’influence. La deuxième, et non la seconde fois, avec l’affaire « Bygmalion » pour laquelle il a été condamné à un an de prison ferme, avec aménagement sous bracelet électronique, pour financement illégal de la campagne électorale de 2012.

Tous égaux devant la loi, vraiment ?

 La peine de cinq ans de prison ferme, pour association de malfaiteurs dans l’affaire du financement libyen présumé de sa campagne présidentielle de 2007, est donc la troisième condamnation, même si le procès en appel doit encore avoir lieu. Pas sûr que le justiciable lambda aurait pu éviter l’incarcération jusque-là. « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir », avançait un Jean de La Fontaine plus moderne que jamais. Des inégalités qui sont d’ailleurs clairement documentées. Le Défenseur des droits a ainsi sorti un rapport en 2016 qui montre que certaines catégories (jeunes, précaires, étrangers, habitants de quartiers populaires) rencontrent davantage d’obstacles administratifs, juridiques et sociaux pour accéder au droit, ce qui accentue leur défiance envers les institutions. En 2020, le Conseil constitutionnel a enfoncé le clou avec une autre étude qui met en lumière que l’égalité devant la justice pénale reste un principe fragile : les disparités territoriales, les moyens des justiciables et la subjectivité des jugements contribuant à des inégalités d’application de la loi.

La différence de traitement est loin de s’arrêter là. Nicolas Sarkozy, comme Marine Le Pen quelques mois avant lui, l’ont prouvé : les puissants ont droit, en plus de l’appel et d’un éventuel pourvoi en cassation, de refaire leur procès en prenant à partie le public. C’est une « atteinte grave à l’État de droit », avançait l’ancien président à propos de son jugement, « un procès politique » et une « exécution de la démocratie », osait carrément l’élue du Rassemblement national après le sien. Les amis de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino ou Nadine Morano, évoquaient pour leur part « une honte pour la France » et une « image humiliée du pays ». Une expression reprise quasiment à l’identique par Marine le Pen qui parlait sur TF1 d’ « une atteinte directe à l’image de la France » à propos… de la condamnation de Nicolas Sarkozy.

La justice doit se sentir soutenue, et surtout à l’abri de toute ingérence, lorsqu’elle entend un ancien Président de la République et celle qui pourrait devenir la prochaine Présidente faire autant de cas de leur devoir de réserve face aux décisiond judiciaires.

Des médias devenus chiens de garde

Surtout que la caisse de résonance a pris ces dernières années une toute autre ampleur. Il y a bien sûr les réseaux sociaux et leurs millions de commentateurs, qu’ils soient téléguidés ou non. Il y a surtout une toute nouvelle forme de « journalisme ». Quand par le passé les plus engagés d’entre eux se posaient encore quelques limites, il est évident que désormais toutes les digues ont cédé. Bien plus que de défendre une conviction, certains médias entendent désormais tordre la réalité jusqu’à la rendre compatible avec leur vision du monde. Ainsi, Sarkozy et Le Pen ont trouvé dans CNews, le JDD ou Europe 1 de redoutables chiens de garde. Mais au-delà des soldats de Vincent Bolloré, qui sont  le bras armé d’une opération d’évangélisation politique, des médias plus traditionnels – classés certes dans le camp des conservateurs mais autrefois attachés à une certaine retenue – n’ont pas hésité à franchir la ligne rouge. Le Figaro et Le Point ont éditorialisé un « danger pour l’État de droit » à propos de la condamnation de Nicolas Sarkozy, tandis que BFM TV et RMC ont longuement insisté sur « l’émotion » qui a entouré son arrivée en prison. RTL diffusant même le message de soutien, intitulé « La vérité triomphera », écrit par Nicolas Sarkozy pour lui-même.

Il y a pourtant encore plus inquiétant que de voir les médias des milliardaires essayer de contrôler l’opinion publique. Ce danger, c’est la déconnexion totale de nos dirigeants qui ne prennent même plus la peine de cacher les privilèges qu’ils s’accordent entre puissants. Ainsi, Emmanuel Macron n’a pas passé un coup de téléphone discret à son prédécesseur à la veille de son incarcération. Il l’a reçu. Et en le faisant bien savoir.

Traitement de faveur

A son tour, Gérald Darmanin, « bébé Sarkozy » s’il en est, s’est empressé d’expliquer à la presse qu’il irait rendre visite à son mentor pour se rendre compte par lui-même qu’il est bien traité. Ce dont personne ne doute puisqu’il bénéficiera d’un traitement de faveur avec cellule individuelle, téléphone à disposition et maintien des autres détenus à bonne distance. Le Garde des Sceaux ne devrait-il pas plutôt se pencher sur la condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour « conditions de détention indignes, notamment surpopulation carcérale, matelas au sol, insalubrité et absence de recours effectif » ? Ne doit-il pas plutôt s’occuper, par exemple, du Camp-Est en Nouvelle Calédonie ? Une prison jugée « indigne » par la justice française et dont « la situation viole gravement les droits fondamentaux des personnes détenues » selon l’Observatoire international des prisons.

En ne descendant plus de leur tour d’ivoire, ceux qui détiennent le pouvoir préparent chaque jour un peu plus l’insurrection populaire. Les têtes ne tomberont peut-être pas physiquement, mais le résultat des prochaines élections risque de mettre notre démocratie dans l’ombre de ceux qui ne rêvent que de la guillotiner. Parce que la réponse à tant d’injustices risque fort de ne pas être un grand sursaut de solidarité.

La faute probablement à cet homme qui, lorsqu’il est arrivé au pouvoir, a totalement décomplexé la violence politique. Et permis à l’extrême droite de s’engouffrer dans la brèche. Un homme que ne sera donc jamais jugé pour son plus grand crime : celui d’avoir encouragé les Français à se dresser les uns contre les autres.

(Photomontage LNP / Photos LPLT et Aubert – CC)

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