Trump à l’ONU : quand l’affairisme le plus vulgaire s’impose au monde
À la tribune des Nations unies ce mardi 23 septembre, le président américain a livré un manifeste pour le capitalisme débridé, niant le changement climatique et piétinant toute forme de régulation.
Donald Trump n’est pas venu à la tribune des Nations unies pour dialoguer, encore moins pour tendre la main à qui que ce soit. Il est venu asséner une vérité brutale : dans son monde, l’homme ne compte pas, la planète encore moins. Seul le profit décide. Et tout ce qui ressemble à une règle, une contrainte ou une tentative de régulation doit être pulvérisé.
Devant l’Assemblée générale, Trump a balayé la crise climatique d’un revers de main, qualifiant le réchauffement de « greatest con job ever perpetrated on the world 1» (« la plus grande arnaque jamais perpétrée contre le monde »). Il a raillé les énergies renouvelables, qualifiées de « joke 2» (« blague »), allant jusqu’à présenter les parcs éoliens comme « pathétiques ». Pour lui, il n’y a pas d’avenir hors des énergies fossiles. Pétrole, gaz, charbon : voilà ce qu’il promeut sans détour, appelant les nations à en consommer davantage.
Ce n’est pas un simple déni, c’est une stratégie. Car Trump n’ignore pas les données scientifiques. Il fait le choix de les mépriser pour une raison précise : les reconnaître obligerait à limiter, à encadrer, à réguler. Or, sa mission est exactement l’inverse. Il compte bien ouvrir toutes les vannes, détruire tous les garde-fous, faire prospérer le capitalisme le plus débridé possible.
L’effacement des règles sociales et environnementales
Le discours à l’ONU n’est que la façade d’une politique déjà engagée. Depuis son retour à la Maison Blanche, Trump a signé une série de décrets pour annuler les engagements climatiques américains, ordonner le retrait immédiat de l’accord de Paris et exiger la suppression des réglementations énergétiques jugées « coûteuses »3.
Il a affaibli l’Agence de protection de l’environnement, gelé des subventions aux énergies vertes, coupé les fonds à la recherche climatique. Il a retardé la publication d’études nationales sur le climat et poussé les agences fédérales à renoncer à des normes de pollution plus strictes. Chaque mesure suit la même logique : réduire à néant les règles, démanteler les protections, empêcher tout retour en arrière.
Et cela dépasse l’environnement. Les protections sociales sont aussi dans la ligne de mire. Qu’il s’agisse de normes du travail, de régulations sanitaires ou de filets sociaux, tout est vu comme une entrave à la liberté des affaires. Trump veut libérer le capitalisme de toute contrainte.
L’ONU, cible à abattre
Sa charge contre les Nations unies, hier, s’inscrit dans cette même croisade. « Tout ce qu’ils font, c’est écrire des lettres bien formulées, mais ce sont des mots vides 4 » (« empty words »), a-t-il clamé, visant à délégitimer l’organisation. Derrière cette attaque, il y a une l’obsession de réduire à néant toute tentative de régulation mondiale, qu’elle soit écologique, économique ou géopolitique.
Car l’ONU, malgré ses faiblesses, incarne encore l’idée qu’un cadre collectif peut s’imposer aux puissances. C’est précisément ce que Trump refuse. Sa vision est celle de la loi du plus fort et il sait qu’en matière économique, militaire et technologique, il est encore le plus fort. Tant qu’un plus fort, pour peu que ce soit possible, ne vient pas contester son leadership, il pourra imposer sa logique : l’argent comme seule loi, le marché comme seul horizon.
L’homme est un pion pour Trump
Il faut mesurer la gravité du projet. Dans l’univers trumpien, l’homme n’existe pas comme sujet politique ou social. Il n’est qu’un pion dans le grand jeu du capital. Sa santé, son environnement, sa dignité sont des variables d’ajustement. Qu’ils brûlent, qu’ils s’appauvrissent, qu’ils disparaissent : peu importe, pourvu que le capital continue de croître.
Pour lui, les politiques écologiques coûtent trop cher, freinent la croissance, tuent l’industrie. Dans sa logique, les peuples doivent s’adapter au marché et non l’inverse. La planète est sacrifiée, l’avenir aussi, mais qu’importe : l’accumulation doit continuer.
Une déclaration de guerre
Ce discours n’est pas une provocation de plus. Il sonne comme une déclaration de guerre. Une guerre contre la planète, contre les peuples, contre la possibilité même d’un avenir commun. En détruisant les normes, Trump ne cherche pas seulement à gouverner, il cherche à rendre irréversible la domination du capital.
C’est là le danger suprême. Une fois les règles effacées, une fois les institutions disqualifiées, une fois l’ONU réduite à un rôle de spectateur, il ne reste plus qu’un monde livré à la loi du plus fort. Et tant que la planète restera paralysée face à ses outrances, il gagnera.
( UN Photo/Loey Felipe )
Notes
1 – Reuters, Trump tells UN that climate change is con job – 23 septembre 2025.
2 – Los Angeles Times, Trump denies climate change in UN speech – 23 septembre 2025.
3 – ABC News, Fact-checking Trump’s climate change speech at the UN – 23 septembre 2025.
4 – The Guardian, Trump UN speech fact-checked – 23 septembre 2025.
L’obsession anti-immigration que Trump veut imposer au monde
Lors de son discours à l’ONU, qui a duré plus d’une heure, Donald Trump n’a pas seulement nié le changement climatique : il a lancé une offensive idéologique sur l’immigration, comme une deuxième lame de son projet. Pour lui, l’immigration et l’énergie forment les deux têtes d’un « double-tailed monster » (« monstre à double queue »). Dans son récit, l’une détruirait la cohésion des nations, l’autre ruinerait leurs économies. Ensemble, elles formeraient un fléau qui « détruit tout sur son passage ». Ce schéma simpliste mais redoutablement efficace est calibré pour séduire les opinions les plus nationalistes : il désigne un ennemi intérieur, les migrants, et un ennemi extérieur, l’écologie, contre lesquels il faudrait se dresser au nom de la survie nationale.
L’Europe comme repoussoir
Trump a pris l’Europe comme exemple : « vos pays sont en train d’être ruinés » a-t-il lancé, accusant les dirigeants européens d’avoir cédé à « l’expérience ratée des frontières ouvertes ». Il a affirmé que le continent était « envahi par une force d’immigrés illégaux comme jamais vu auparavant », prédisant que « si vous ne les arrêtez pas, vos pays vont échouer 1».
Et il a choisi Londres comme symbole de ce naufrage. Dans une attaque personnelle, il a qualifié son maire Sadiq Khan de « terrible mayor », insinuant qu’il avait livré la capitale britannique au communautarisme et à la montée d’un prétendu « droit islamique ». « Now they want to go to Sharia law », a-t-il lancé (« maintenant ils veulent aller vers la charia 2 »). Une phrase volontairement outrancière, qui recycle les fantasmes les plus caricaturaux de l’extrême droite.
En liant immigration et écologie, Trump construit une idéologie globale qu’il cherche à imposer : un monde où toute ouverture est une faiblesse, où toute régulation est une trahison, et où seule la force nationale compte. Sa vision n’est pas celle d’un pays, mais d’un ordre mondial nouveau : un ordre sans ONU, sans règles, sans solidarité, où les murs remplacent les ponts et où la peur devient moteur politique.
Notes
1 – AP News, « Trump tells UN … ‘If you don’t stop people … your country is going to fail’ » – 23 septembre 2025.
2 – Rev.com, transcript du discours de Trump à l’ONU – 23 septembre 2025.
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