ARENH : le grand fiasco de la concurrence imposée à l’électricité française
Créé en 2011 sous la pression de Bruxelles pour « ouvrir » le marché de l’électricité, le mécanisme ARENH impose à EDF de vendre une part de son électricité nucléaire à prix bradé à ses concurrents. Cet outil, censé protéger les consommateurs, s’est révélé inefficace et fertile en abus, permettant à certains fournisseurs privés de s’enrichir sans bénéfice réel pour les usagers.
L’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) naît de la loi NOME de 2010, en application des directives européennes de libéralisation du marché. Depuis 2011, EDF est contraint de céder jusqu’à 100 TWh d’électricité nucléaire par an, soit environ un quart de sa production, à prix régulé (42 €/MWh) à des fournisseurs alternatifs. L’objectif est de créer artificiellement une concurrence supposée faire baisser les factures des particuliers et entreprises.
En réalité, la France disposait déjà de l’un des systèmes électriques les plus performants et les moins chers d’Europe. Le parc nucléaire, financé par l’argent public, avait permis des prix stables et bas. Mais pour Bruxelles, cet avantage était une « distorsion de concurrence ». Il fallait donc forcer EDF à alimenter ses propres concurrents à prix coûtant, créant ce que l’ex-PDG d’EDF Pierre Gadonneix a qualifié de « pilule empoisonnée »1.
Les dérives d’un système absurde
Après plus de dix ans, le bilan est sans appel puisque les prix n’ont pas baissé. Pire, les ménages sont souvent mieux protégés lorsqu’ils restent au tarif réglementé d’EDF. Quant aux fournisseurs privés, beaucoup ont utilisé l’ARENH comme une rente. Acheter à 42 €/MWh, revendre un peu moins cher qu’EDF, et empocher la différence : voilà le modèle économique de la plupart.
La Commission de régulation de l’énergie a même relevé le tarif réglementé d’EDF pour permettre aux concurrents de rester compétitifs, ce qui revient à faire payer plus cher les ménages afin de « sauver » la concurrence.
Le système a aussi engendré des abus massifs. En 2022, 72 fournisseurs alternatifs ont été sanctionnés pour avoir gonflé artificiellement leur portefeuille de clients afin d’obtenir davantage de volumes ARENH, avant d’augmenter brutalement leurs tarifs pour les faire fuir. L’électricité nucléaire bon marché était alors revendue sur le marché à prix fort. Le cas d’Ohm Énergie, condamné à 6 millions d’euros d’amende, illustre cette dérive, sa marge brute bondissant à 44 millions d’euros en 2022 grâce à ces pratiques2.
Au lieu de protéger les usagers, l’ARENH a donc souvent contribué à alourdir leurs factures. La Commission de régulation de l’énergie a même relevé le tarif réglementé d’EDF pour permettre aux concurrents de rester compétitifs, ce qui revient à faire payer plus cher les ménages afin de « sauver » la concurrence3.
La croisade de Fabien Gay
Pour le sénateur communiste Fabien Gay, l’ARENH est « opaque, injuste et inefficace ». Il dénonce une « spoliation » d’EDF – privée de 3 à 4 milliards d’euros de revenus par an – et des consommateurs, qui n’ont pas réellement bénéficié de l’électricité bon marché. Il fustige aussi l’opacité du dispositif et l’absence de transparence sur la manière dont les fournisseurs répercutent (ou non) l’avantage ARENH sur leurs clients.
Surtout, il critique la gestion de sa fin annoncée (31 décembre 2025). Le gouvernement a proposé un dispositif successeur tout aussi flou, examiné discrètement via la loi de finances, sans débat public. Pour Gay et d’autres sénateurs, ce système risque d’entraîner une explosion des prix pour les ménages 4.
L’Europe contre le modèle français
Derrière l’ARENH se cache le dogme bruxellois : imposer la concurrence dans un secteur qui n’en avait ni besoin ni envie. Résultat, EDF, les usagers et l’État ont perdu, tandis que des opérateurs sans moyens de production ont profité d’une rente payée par les contribuables. La promesse d’une baisse des prix n’a jamais été tenue.
Fabien Gay plaide pour une sortie de cette logique de marché et le retour à un grand service public de l’énergie, garantissant des prix justes et stables. Car persister dans cette voie reviendrait à achever un système qui fut l’un des plus performants au monde.
(Photo PXHere – CC)
Notes
1 – Sénat – Séance du 26 novembre 2024 : débats sur la fin de l’ARENH – https://www.senat.fr/seances/s202411/s20241126/s20241126017.html
2 – Lire Public Sénat – « Marché de l’électricité : il y a des fraudes », constate Fabien Gay – https://www.publicsenat.fr/actualites/economie/marche-de-lelectricite-il-y-a-des-fraudes-constate-fabien-gay
3 – CLCV – Analyse des effets pervers de l’ARENH et du TRV – https://www.clcv.org
4 – Assemblée/Sénat – Débats sur le dispositif successeur de l’ARENH (2024) – https://www.senat.fr
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