Économie

Économie Politique

François Bayrou dit craindre « un piège mortel pour le pays »… pour mieux achever la solidarité

Le Premier ministre dramatise, ment et matraque les plus précaires, tout en ménageant les puissants. Derrière l’énorme cure d’austérité qu’il a présenté ce mardi 15 juillet comme une fatalité, il entend mettre en place un plan idéologique, néolibéral et totalement décomplexé.

Il fallait oser. François Bayrou, Premier ministre en quête de grandeur tragique, a livré ce lundi une allocution anxiogène et surréaliste pour justifier un plan d’austérité sans précédent. Objectif annoncé : 40 à 44 milliards d’euros d’économies en 2026. Objectif réel : saccager ce qu’il reste de solidarité, plaire aux marchés et affaiblir toute résistance sociale.

Mais pour que la pilule passe, encore faut-il noircir le tableau. C’est ainsi que François Bayrou compare la dette publique française à celle d’un ménage surendetté. Un mensonge vieux comme Maastricht, mais toujours aussi fallacieux. Comme le rappellent Les Économistes Atterrés dans leur ouvrage La dette publique(1), un État n’est pas un ménage : il émet sa propre monnaie, emprunte à long terme, peut refinancer sa dette indéfiniment, et surtout, dispose de leviers que n’a aucune famille — pouvoir fiscal, politique monétaire, création monétaire via la BCE.

Autre image fétiche : la Grèce. Le chef du gouvernement agite ce souvenir pour effrayer. Mais la France ne dépend pas de la même façon des marchés que la Grèce de 2010. Elle n’a pas une économie fondée sur le tourisme, ni une base fiscale aussi réduite, ni un système bancaire aussi fragile. Comme le souligne l’économiste Thomas Porcher, ces comparaisons sont autant d’« armes de guerre idéologiques » : elles servent à justifier des politiques régressives qui n’ont rien d’inévitable.

Un plan d’austérité et de casse sociale

Bayrou l’annonce avec la solennité d’un moine comptable : pas un euro de plus qu’en 2025. « Gel » des prestations sociales. « Année blanche » pour les revalorisations. Financement des affections de longue durée revu à la baisse. C’est un coup de massue pour les personnes malades, handicapées, précaires. Et pendant que l’État souhaite tuer des emplois dans la fonction publique, 3000 au moins, réduire les soins et les droits, il entend augmenter les taxes sur la consommation via une « TVA sociale », l’impôt le plus injuste qui soit, puisqu’il frappe de la même manière le smicard et le rentier.

⇒ À lire aussi : Une « année blanche » pour le budget 2026 ? Une cure d’austérité déguisée et Les dangers de la TVA (anti)sociale 

Et comme si cela ne suffisait pas, il faut encore rogner sur le calendrier républicain et voler deux jours de repos aux travailleurs : le lundi de Pâques et le 8 mai pourraient être rayés d’un trait de plume.
Il est vrai qu’en ces temps troublés, avec l’extrême droite aux portes du pouvoir, il était urgent de ne plus commémorer la victoire sur le nazisme. Il faut croire que la mémoire antifasciste est un luxe que l’austérité ne peut plus se permettre.

Sus à l’écologie, au droit du travail et aux chômeurs

C’est aussi visiblement le cas pour l’écologie. Pas un mot sur le climat, la biodiversité, les limites planétaires. Mais un passage éloquent sur la compétitivité, la balance commerciale et l’absolue nécessité de produire plus (pas mieux, plus). François Bayrou s’en prend à la « complexité bureaucratique » et promet une « simplification massive ». Traduction ? Un nouveau sabrage des normes environnementales, devenues les boucs émissaires favoris du patronat.

⇒ À lire aussi : Investir dans l’intelligence : l’autre voie de la compétitivité.

Il veut « faciliter l’embauche » : une ritournelle connue, qui signifie dans les faits attaquer le Code du travail, réduire les droits des salariés, flexibiliser toujours plus et licencier plus facilement. Quant à l’assurance chômage, elle est dans son viseur : encore une fois, les plus précaires paieront l’addition d’un système qu’ils ne contrôlent pas.

Une « solidarité » cosmétique pour les riches

Conscient de la colère montante, Le Premier ministre a lâché une phrase censée calmer les esprits :

« Une contribution de solidarité sera créée […] pour faire participer à l’effort national les plus hauts revenus. »

Mais sans chiffre, sans taux, sans seuil, sans date… Juste une promesse floue, qui sent la manœuvre à plein nez. Pendant que les classes moyennes et populaires verront leurs prestations gelées et leurs droits entamés, les plus riches pourront dormir tranquilles : il n’y aura aucun effort réel partagé.

François Bayrou veut faire croire qu’il « sauve la République » quand il en sabote les fondements. Il agite la peur pour justifier des mesures de classe. Il prétend œuvrer pour « l’avenir » tout en hypothéquant celui des services publics, de l’écologie et des protections sociales.

(Photo ABACAPRESS)

(1) La Dette publique: Précis d’économie citoyenne (au Seuil), par Eric Berr (université de Bordeaux), Léo Charles (université Rennes 2), Arthur Jatteau (université de Lille), Jonathan Marie (université Sorbonne
Paris Nord) et Alban Pellegris (université Rennes 2). Tous sont membres des Économistes Atterrés.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Back To Top