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Les seniors : indispensables et maltraités

(Photo Mikhail Nilov, CC)

Jamais ils n’avaient été autant sur le devant de la scène. Retraites, impôts, santé : les seniors sont désormais dans toutes les discussions dès qu’il s’agit d’évoquer le déficit public. Et si la volonté politique de rallonger la durée de cotisation avant d’obtenir une pension à taux plein concerne avant tout les actifs, celle d’enlever l’abattement de 10% sur la déclaration de revenus, tout comme la hausse des complémentaires santé et la baisse des remboursements de la Sécurité sociale, les touche en premier lieu. Le tout sans que l’on se pose aucunement la question de la place de nos anciens dans le monde actuel.

Une aide non chiffrable, mais essentielle

Bien sûr, si l’on s’en tient à la simple question de leur productivité, ils ne sont plus que des poids morts. Mais c’est oublier leur position quasi-centrale dans notre société. A commencer par l’assistance fournie aux familles. Garde d’enfants, aide aux devoirs, transport jusqu’aux activités extra-scolaires : les grands-parents sont souvent sollicités. Ils apportent un soutien que la plupart des parents ne pourraient pas payer, et qui permet de travailler l’esprit tranquille. Sur le plan affectif, l’encadrement des enfants est aussi mieux assuré. Ne pas avoir d’ascendants près de chez soi pour aider est d’ailleurs devenu un véritable frein à la natalité. On ne compte plus les couples qui abandonnent ou limitent leur envie d’enfant par peur de ne pouvoir leur fournir ce dont ils ont besoin sans sacrifier totalement leur vie de couple et leurs propres hobbies.

Si ces contributions sont difficilement chiffrables, l’aide pécuniaire directe l’a été. Ainsi, une étude de l’institut Opinion Way pour la Carac(1) explique que les retraités ont aidé leurs enfants et petits-enfants à hauteur de 158 euros par mois en 2023, auxquels s’ajoutent des coups de pouce ponctuels qui ont été en moyenne de 1307 euros en 2023. Ces sommes, déjà conséquentes, sont pourtant en très forte baisse (182 et 1718 euros en 2022) en raison de l’inflation et des incertitudes, notamment politiques, qui pèsent ces dernières années sur les retraités. S’ajoute enfin une aide plus abstraite, mais ô combien inestimable parce que rassurante, à savoir le recul et l’expérience que peuvent apporter les plus âgés en ces périodes troubles.

L’économie a besoin d’eux

Nos aînés ont aussi une vie en dehors du fait d’être parents, grands-parents, voire arrière-grands-parents. Et c’est heureux pour l’économie. Jugez plutôt : selon un rapport déjà ancien(2), les seniors ont réalisé 22,2 milliards d’euros de dépenses touristiques en 2014. Pour l’exemple, les personnes de 62 ans ou plus représentaient près d’un tiers des nuitées des touristes français. Établissements touristiques, commerces, restaurants, constructeurs automobiles : tous ont besoin des retraités pour vivre, et surtout de seniors avec un bon pouvoir d’achat. Sans parler des associations et des clubs sportifs qui ne survivraient pas sans leur implication bénévole.

Vouloir les mettre davantage à contribution, au vu de leur importance, est tout simplement inique, en plus d’être une erreur économique. Car là encore, il est question de faire des économies au détriment des recettes. Les pensions, notamment les plus modestes, ont surtout besoin d’être revalorisées,  avant que toutes soient indexées sur l’inflation.

Notre Premier ministre, qui multiplie les attaques contre le régime actuel avec ses fausses vérités, ferait bien de se rendre compte qu’en agissant de la sorte, il effraie les retraités. Des anciens qui ont longtemps trouvé refuge, du moins pour une majorité d’entre eux, dans la droite conservatrice traditionnelle. Mais qui, désormais stigmatisés par ceux qui étaient censés les protéger, pourraient bien aller voir encore plus à droite. Là où on ne s’occupera pas mieux d’eux, mais où l’on est devenu maître de l’illusion.

(1) Cette enquête a été réalisée par l’institut OpinionWay pour la Carac, une mutuelle, sur l’année 2023 auprès de 1 032 personnes représentatives de la population française âgée de 55 à 75 ans et retraitée.
(2) Le rapport Bouillon de 2014 préconise 17 mesures pour que la France profite au mieux de la Silver économie.

À découvrir, le podcast réalisé par IA sur cet article :

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