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Les dangers de la TVA (anti)sociale 

Emmanuel Macron avait promis de ne pas augmenter les impôts. Il a pourtant évoqué, lors de son interview du mardi 14 mai sur TF1, la piste de la TVA sociale. Une hausse des contributions indirectes qui favoriserait une nouvelle fois les plus riches.

Faire porter à la consommation le poids du système social plutôt que de le faire peser sur les cotisations salariales et patronales. Avec un double objectif : permettre aux employés de toucher un salaire net plus proche de leur salaire brut et alléger les charges sur les entreprises pour les rendre plus compétitives. Le projet de TVA sociale, maintes fois porté par la droite, puis remis sur le tapis récemment par le Medef, vient d’être évoqué par Emmanuel Macron lors de sa grande interview du mardi 14 mai sur TF1. Une « piste » qu’il aimerait voir exploitée par les partenaires sociaux.

Sur le papier, une telle mesure n’aurait que des avantages. Avec un coût du travail moins élevé, on imagine des créations d’emplois et une amélioration de la balance commerciale extérieure. En effet, les produits français, désormais moins chers, pourraient mieux s’exporter alors que les importations seraient soumises à une TVA plus élevée. Cette politique porte un nom : la « dévaluation fiscale » car ses effets se rapprochent de ceux d’une dévaluation monétaire.

L’injustice de l’impôt indirect

Un tableau idyllique ? Oui, à condition de ne pas gratter le vernis. Commençons par le principe des taxes indirectes, comme la TVA. Il s’agit bel et bien d’un impôt que l’on paye sur chaque achat. Mais à la différence de celui sur le revenu, il pèse beaucoup plus sur les ménages les moins aisés qui utilisent l’ensemble de leurs revenus pour la consommation, lorsque les plus aisés en épargnent une partie. Proportionnellement, une hausse de la TVA handicape donc plus les classes populaires et moyennes, quand bien même la taxe ne « toucherait pas les produits de première nécessité », ainsi que l’a précisé Emmanuel Macron. Pire, cette augmentation de la TVA venant en remplacement d’une part du salaire, elle revient à créer un nouvel impôt pour ceux qui ne touchent pas de salaire, comme les jeunes, les retraités ou les allocataires du RSA.

Pour réaliser ce calcul : on divise le montant de TVA effectivement payé dans l’année par le revenu annuel net du ménage. La TVA payée est estimée en appliquant un taux moyen effectif (pondéré selon les taux réduits et plein) à la consommation taxable du ménage. (Infographie Chat GPT)

Les cotisations sur les salaires, a contrario, sont proportionnelles au revenu. Financer la protection sociale à partir de ces prélèvements découle d’une certaine logique, héritée du Conseil de la résistance : l’argent gagné grâce aux travailleurs doit aussi permettre de les protéger (maladie, accidents du travail, vieillesse). Diminuer les « charges » des entreprises reviendrait à affranchir ces dernières du financement du bien-être de leurs employés. Tout un symbole.

L’argument des embauches ne tient pas non plus. En tout cas pas dans le temps si l’on en croit un rapport édité par le Conseil des prélèvements obligatoires. Quant à une éventuelle baisse des prix qui permettrait de ne pas sentir la hausse de la TVA, elle ne concernerait que le Made in France et dépendrait uniquement de la bonne volonté des entreprises. Et plus particulièrement de celle de leurs actionnaires, qui accepteraient de ne pas profiter de l’aubaine pour augmenter leurs propres revenus.

La fausse excuse de la compétitivité

Vient finalement le besoin de compétitivité des entreprises françaises. Le fait de baisser les cotisations patronales, même assez fortement, ne permettrait absolument pas d’aller concurrencer les « usines du monde » (Chine, Vietnam), avec des écarts de 1 à 10 lorsque l’on compare le coût du travail. Même en Europe, il est possible de trouver des salaires 2 à 3 fois moins élevés en Pologne ou en Roumanie. Une telle mesure permettrait uniquement d’aller concurrencer les « partenaires » européens qui ont des salaires proches des nôtres. De quoi « améliorer » un peu plus la coopération européenne et lancer une course au moins-disant social. Cette recherche de compétitivité par la baisse des prix montre aussi l’aveuglement de nos dirigeants quand de nombreux économistes expliquent que la France a davantage de problèmes de compétitivité « hors coût ».

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Emmanuel Macron le dit et le répète depuis le début : « Il n’est pas question d’augmenter les impôts ». Son envie de TVA sociale permet de préciser un peu plus son propos : il n’est pas question d’augmenter les impôts sur le revenu ou sur la fortune, qui permettent de solliciter les ménages selon leurs capacités financières. En revanche, augmenter les impôts indirects, qui touchent plus durement les plus pauvres, ne le gêne absolument pas. Rien d’étonnant finalement de la part d’un ancien banquier d’affaires qui doit trouver beaucoup plus intéressant de préserver les capacités de placement et d’investissement des plus riches, plutôt que le pouvoir d’achat de la majeure partie de la population. Laquelle sera, quoi qu’il arrive, bien obligée de consommer pour vivre.

(Photo principale Jean-Louis Zimmermann – CC)

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