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Ce que les ménages ont réellement perdu en 2025

Chronique d’une paupérisation lente à l’heure des prix durablement élevés

L’année 2025 n’a pas été celle d’un choc économique brutal. Pas d’effondrement soudain du pouvoir d’achat, pas de flambée incontrôlée des prix, pas de réforme sociale spectaculaire. Et pourtant, pour une large partie de la population, le sentiment de perte s’est installé durablement. Non pas parce que les prix ont continué à exploser, mais parce qu’ils sont restés élevés, durablement, alors que les revenus peinent encore à rattraper le retard accumulé. Une paupérisation lente, diffuse, désormais bien documentée.

Selon l’Insee, l’inflation annuelle moyenne s’est établie autour de 1,5 % en 2025. Un chiffre en net ralentissement par rapport aux années précédentes, et même inférieur à 1 % au cours du dernier trimestre de l’année. Techniquement, la hausse des prix a donc été contenue. Mais cette donnée, souvent mise en avant pour évoquer un retour à la normale, ne dit rien de l’essentiel : le niveau général des prix reste très élevé par rapport à 2021. La vitesse de la hausse a ralenti, mais le stock de hausses passées, lui, n’a jamais été corrigé.

Des prix stabilisés à un niveau historiquement haut

Dans les faits, les ménages continuent de vivre avec des prix durablement renchéris. L’alimentation, après plusieurs années de forte inflation, s’est effectivement stabilisée en 2025, avec une hausse limitée autour de 1,5 % sur l’année (1). Mais cette accalmie intervient après des augmentations cumulées supérieures à 20 % depuis 2021. Le recul n’a jamais eu lieu. Les prix ont cessé de grimper vite, ils ne sont jamais redescendus.

L’énergie illustre parfaitement ce décalage entre discours et réalité. En 2025, les prix de gros de l’électricité ont nettement baissé sur les marchés européens (2). Mais pour le consommateur final, cette détente n’a pas été ressentie. La suppression définitive du bouclier tarifaire, combinée à la remontée de la fiscalité sur l’électricité, notamment la TICFE (3), a annulé l’effet de la baisse des prix de gros. Résultat : les factures d’électricité sont restées élevées, et parfois en hausse, malgré un contexte théoriquement favorable.

Les loyers ont, eux, continué de progresser à un rythme soutenu, autour de 3,5 % en moyenne sur l’année, via l’indice de référence des loyers (IRL) (4). Une hausse mécaniquement indexée sur l’inflation passée, donc plus forte que celle constatée en 2025, et qui pèse directement sur les budgets des ménages, en particulier ceux des classes moyennes urbaines.

Assurances : le poste qui a fait basculer de nombreux budgets

S’il fallait identifier un véritable point chaud budgétaire en 2025, ce serait celui des assurances. Les contrats d’assurance habitation et automobile ont connu des hausses comprises entre 6 et 8 %, parfois davantage. Cette augmentation n’est pas conjoncturelle. Elle est largement liée à la hausse de la surprime Catastrophes naturelles, portée à 20 % en 2025, afin de faire face à la multiplication et à l’aggravation des sinistres climatiques.

Pour de nombreux ménages, cette hausse est intervenue sans possibilité d’arbitrage. L’assurance n’est pas une dépense ajustable. Elle s’impose. Et elle a contribué, plus que l’alimentation ou l’énergie, à dégrader le reste à vivre.

Des revenus enfin en hausse, mais insuffisamment réparateurs

Côté revenus, 2025 marque un léger tournant. Selon la Dares (5), les salaires ont progressé en moyenne de 2,2 % sur l’année. Pour la première fois depuis trois ans, cette hausse est supérieure à l’inflation annuelle moyenne. Techniquement, le pouvoir d’achat salarial s’est donc stabilisé, voire s’est très légèrement redressé.

Mais ce gain reste largement théorique. Il intervient après plusieurs années de pertes cumulées, et il est immédiatement absorbé par la hausse des dépenses contraintes. Assurances, logement, énergie, transports : autant de postes sur lesquels les ménages n’ont aucune prise. Le rattrapage salarial ne compense pas le décrochage antérieur. Il limite simplement l’aggravation.

Dans la fonction publique, la situation reste plus tendue. La revalorisation du point d’indice n’a pas permis d’effacer les pertes accumulées depuis 2021, maintenant une pression durable sur le niveau de vie des agents.

Prestations sociales : l’effet retard qui pénalise les plus modestes

Les ménages les plus précaires n’ont pas bénéficié de ce léger mieux. En avril 2025, les prestations sociales ont été revalorisées de 1,7 %, conformément à une inflation devenue faible. Mais cette indexation tardive a créé un effet de décalage. Les loyers, eux, ont continué d’augmenter sur la base d’une inflation plus élevée, celle de l’année précédente.

Le RSA n’a progressé que de quelques dizaines d’euros par mois, tandis que les aides personnelles au logement ont été revalorisées de manière marginale. Les allocations familiales ont, de leur côté, perdu du pouvoir d’achat réel sur l’année.

Pour les allocataires, le constat est simple : même lorsque les prestations augmentent, elles augmentent trop tard et trop peu. Le reste à vivre continue de se contracter.

Le reste à charge invisible des services publics dégradés

À ces pertes directes s’ajoute un phénomène plus insidieux, en l’occurrence le coût d’opportunité (6) lié au recul des services publics. Accès aux soins plus difficile, délais scolaires allongés, transports collectifs insuffisants. Autant de manques qui se traduisent par un reste à charge invisible pour les ménages.

Consultations privées faute de médecins disponibles, solutions de garde ou de soutien scolaire payantes, usage contraint de la voiture individuelle : selon les territoires et les situations familiales, ces coûts indirects représentent plusieurs centaines, voire plus d’un millier d’euros par an. Des dépenses absentes des statistiques publiques, mais bien présentes dans la vie quotidienne.

Une paupérisation lente qui touche désormais les classes moyennes

En définitive, 2025 n’a pas été l’année d’un effondrement social. Elle a été celle de la confirmation d’une trajectoire. Les ménages n’ont pas plongé, ils ont glissé. Les classes moyennes, longtemps protégées par leur stabilité relative, voient leur capacité d’épargne, de projection et d’absorption des chocs se réduire progressivement.

L’inflation a ralenti, les salaires ont timidement repris, mais le niveau de vie réel reste sous pression. Les prix ne montent plus vite, ils sont simplement devenus durablement trop hauts. Et cette réalité, silencieuse mais persistante, dessine les contours d’une paupérisation lente, désormais impossible à ignorer.

Notes
1- Insee, Évolution des prix de l’alimentation
 2 – Commission de régulation de l’énergie, Marchés de gros
 3 – La TICFE ou Taxe Intérieure sur la Consommation Finale d’Électricité, devenue depuis 2022 l’accise sur l’électricité, est une des taxes impactant les factures d’énergie des consommateurs français, sans distinction de puissance.
 4 – Insee, Indice de référence des loyers
 5 – La direction de l’Animation de la recherche (Dares), des Études et des Statistiques est une direction de l’administration publique centrale française, qui dépend du ministère du Travail.
 6 –  Le coût d’opportunité représente les bénéfices potentiels manqués lors du choix d’une alternative plutôt qu’une autre. En termes d’investissement de temps, il s’agit de considérer d’autres activités précieuses qui auraient pu être entreprises.

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