FMI : même logiciel, même impasse pour la France
En s’acharnant à imposer une rigueur budgétaire sans vision, le Fonds Monétaire International ignore délibérément les leviers d’un redressement durable : investissement public, justice sociale et transition écologique. Il est temps de changer de cap.
Le dernier rapport du FMI sur la France, publié le 22 mai, nous offre une énième leçon d’orthodoxie budgétaire. Sous couvert de technocratie bienveillante, l’organisation internationale agite le chiffon rouge de la dette publique et prescrit – sans grande surprise – la bonne vieille potion amère de l’austérité : réduction des dépenses sociales, restriction budgétaire, consolidation fiscale.
Une stratégie qui n’a jamais fait ses preuves sur le terrain de la croissance ou de la justice sociale, mais que l’institution ressasse inlassablement, quitte à plonger des millions de citoyens dans la précarité. Il est temps de déconstruire cette vision biaisée, économiquement douteuse et socialement dangereuse.
Le prisme déformant de la dette
Pour le FMI, le principal défi de la France est la soutenabilité de sa dette. Et que propose-t-il ? Réduire drastiquement les dépenses publiques. En d’autres termes : sacrifier les services publics et les protections sociales sur l’autel de la « crédibilité » financière. Mais quel sens y a-t-il à vouloir « consolider les finances publiques » en rognant sur la santé, l’éducation, les retraites ou les transports, quand ces mêmes domaines sont ceux qui structurent notre cohésion sociale et notre avenir collectif ?
Ce que le FMI refuse obstinément d’envisager, c’est un autre chemin : non pas réduire les dépenses, mais augmenter les investissements publics pour enclencher une dynamique vertueuse de croissance soutenable. Car une économie ne se redresse pas en la contractant.
Les dépenses sociales soutiennent l’économie
Il est frappant de constater à quel point le FMI semble considérer les dépenses sociales comme des « coûts », jamais comme des investissements. Or, ces transferts jouent un rôle fondamental dans le soutien à la consommation — surtout en France, où les ménages modestes réinjectent presque immédiatement ces aides dans l’économie réelle.
Couper dans les allocations, rogner sur les dispositifs d’accompagnement ou allonger la durée de cotisation des retraités, c’est affaiblir la demande intérieure, accentuer les inégalités et briser le moteur de la reprise. L’illusion selon laquelle la croissance émergera d’un choc d’austérité est une fantaisie néolibérale démentie par des décennies de résultats.
Et si on parlait enfin de recettes ?
Ce que le FMI évacue trop souvent, c’est la capacité de l’État à accroître ses recettes autrement qu’en pressurant toujours davantage les contribuables ou en rognant les droits sociaux. Pourquoi ne pas mobiliser l’épargne privée — que le FMI pointe lui-même comme surabondante — pour financer un vaste plan d’investissement public ? Transports ferroviaires, hôpitaux, rénovation énergétique, numérique public, école de demain : voilà des domaines qui, en plus de répondre aux urgences écologiques et sociales, créeraient de l’emploi durable, réduiraient les inégalités régionales et relanceraient la dynamique productive.
L’investissement, pas l’austérité
Une autre économie est possible. À rebours du discours du FMI, des économistes de renom – comme Mariana Mazzucato ou Thomas Piketty – défendent une vision productive et sociale de l’État. Loin d’être un problème, la dépense publique ciblée sur les grands enjeux d’avenir est la solution.
On ne sortira pas de la stagnation avec des coupes budgétaires aveugles, mais en se donnant les moyens de transformer structurellement notre économie. Le FMI évoque timidement le potentiel de la France dans le numérique et le vert, mais sans jamais remettre en cause le carcan budgétaire qu’il impose. Or, il n’y aura pas de transition écologique sans investissement massif public. Et certainement pas avec des « économies » sur les minima sociaux.
Le FMI, arbitre auto-proclamé d’un modèle épuisé
Ce rapport, comme tant d’autres, témoigne d’un aveuglement idéologique profond. En exigeant de la France qu’elle « rationalise » ses dépenses, qu’elle « réforme » encore ses systèmes sociaux, qu’elle « flexibilise » davantage son marché du travail, le FMI ne fait que recycler un logiciel dépassé, celui qui a conduit à la crise sociale en Grèce, à la défiance des peuples en Espagne et à la montée des extrêmes partout en Europe.
Le FMI oublie aussi un point crucial : l’économie est politique. Sa vision se fonde sur des arbitrages techniques, mais les effets sont éminemment sociaux : plus de pauvreté, plus de précarité, moins de services publics, moins de démocratie. Est-ce cela que nous voulons pour notre avenir commun ? Il ne s’agit pas d’être irresponsables : il s’agit d’être lucides. Une dette se gère dans la durée, pas au prix du renoncement collectif. Une économie se transforme avec du courage, pas avec des tableurs froids. Et si la France osait enfin sortir du cadre ?
(Photo signée Ajay Suresh-CC : Le siège social du FMI à Washington)