Politique

Politique

ONU : une réforme vitale pour sauver la paix mondiale

Entre blocages géopolitiques, veto paralysants et absence de moyens d’action, l’Organisation des Nations Unies se montre incapable d’intervenir dans les conflits majeurs contemporains. Une refonte radicale de son fonctionnement est indispensable pour éviter qu’elle ne s’enferme dans le rôle de témoin passif, comme la Société des Nations avant elle.

De l’Ukraine à Gaza, en passant par la guerre entre Israël et l’Iran, jamais depuis des décennies le monde n’a connu une telle accumulation de crises majeures. Et face à ce désastre, l’Organisation des Nations Unies (ONU), censée représenter l’idéal d’une paix fondée sur le droit international, est réduite à l’impuissance.

Multipliant les appels symboliques, cantonnée à l’action humanitaire, incapable de faire respecter ses résolutions, l’ONU laisse le champ libre aux logiques de guerre et aux intérêts des grandes puissances. Ce constat n’est pas nouveau. L’histoire l’a déjà écrit : la Société des Nations (SDN), prédécesseur de l’ONU, s’était effondrée dans les années 1930 pour les mêmes raisons, notamment en se montrant incapable d’empêcher la montée des totalitarismes et l’agression des peuples.

Une SDN paralysée par ses propres failles

Créée après la Première Guerre mondiale, dans l’euphorie du « plus jamais ça », la SDN n’a pas résisté aux égoïsmes nationaux ni à l’absence de moyens d’action concrets.

Sans force armée propre, dépendante de l’accord des grandes puissances pour faire appliquer ses décisions, paralysée par l’exigence d’unanimité pour toute mesure importante, elle a vu son autorité minée. L’absence des États-Unis, le retrait de pays clés comme l’Allemagne, le Japon ou l’Italie, l’inefficacité des sanctions économiques et l’escalade des crises – Mandchourie, Éthiopie, guerre d’Espagne, Anschluss – ont signé son échec. Dissoute en 1946, elle a laissé place à une Organisation des Nations Unies qui devait tirer les leçons de cette faillite.

Conseil de sécurité : au cœur du blocage

Le cœur du problème actuel se situe dans le fonctionnement même du Conseil de sécurité. Les cinq membres permanents (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni) conservent un droit de veto absolu, leur permettant de bloquer toute résolution qui ne sert pas leurs intérêts.

Résultat : face à la guerre en Ukraine, à la situation dramatique à Gaza ou aux frappes aériennes et autres échanges de missiles entre Israël et l’Iran, les tentatives de résolution contraignante sont systématiquement neutralisées. La Russie use de son veto pour se protéger de toute condamnation en Ukraine, tandis que les États-Unis défendent Israël. L’ONU se trouve alors réduite à des communiqués et à l’aide humanitaire, qu’elle n’arrive même pas à acheminer. Surtout, elle est incapable de peser sur le cours des conflits.

Résolutions sans effet, interventions limitées

Même l’Assemblée générale, au sein de laquelle chaque État a une voix, ne peut adopter que des résolutions non contraignantes, sans réel impact sur le terrain.

Les rares interventions des Casques bleus, comme en ex-Yougoslavie dans les années 1990, n’ont été possibles que dans des circonstances particulières, en l’absence de veto. Là encore, elles ont été entravées par le manque de moyens, des mandats flous et la nécessité d’obtenir le consentement des parties en conflit. Qui a oublié les Casques bleus de la Forpronu, pris pour cibles sans avoir l’autorisation de riposter ?

Aujourd’hui, les rivalités géopolitiques sont plus fortes que jamais. Les divisions entre puissances occidentales et Russie ou Chine, les tensions au Proche-Orient, les nouvelles ambitions asiatiques rendent tout consensus au sein du Conseil de sécurité pratiquement impossible.

Le risque est réel que l’ONU ne connaisse le même sort que la SDN : marginalisée, contournée, puis rendue obsolète par son incapacité à répondre aux enjeux de notre temps.

Une ONU plus démocratique et représentative

Il existe pourtant de nombreuses voix dans le monde – les partis membres du Nouveau Front Populaire en France(1), Die Linke en Allemagne, Podemos en Espagne,  ainsi que de multiples ONG et mouvements altermondialistes – qui réclament une réforme en profondeur de l’ONU. Avec pour première exigence, la fin du droit de veto des membres permanents du Conseil de sécurité. Ce mécanisme, hérité de la Guerre froide, est devenu un obstacle majeur à toute action en faveur de la paix et des droits humains.

La gouvernance de l’ONU doit être démocratisée, en renforçant le rôle de l’Assemblée générale et en donnant une représentation accrue aux pays du Sud et aux peuples autochtones, afin que l’organisation reflète réellement la diversité et les aspirations du monde.

L’ONU doit aussi se doter d’une force de maintien de la paix permanente, sous contrôle strictement international et démocratique, capable d’intervenir rapidement et efficacement pour imposer des cessez-le-feu, protéger les populations civiles et garantir l’application du droit international.

Autonomie financière et justice climatique

Pour échapper à la dépendance aux contributions financières volontaires des États membres, l’ONU devrait disposer de ressources propres : taxe sur les transactions financières internationales, taxe carbone mondiale ou fiscalité sur les multinationales. Cela lui permettrait d’agir en toute autonomie, sans subir le chantage budgétaire des pays les plus puissants.

Au-delà de la gestion des conflits, l’ONU doit devenir le garant des biens communs mondiaux. La protection du climat, de la biodiversité, des océans ou de l’eau potable ne peut plus dépendre des seules volontés étatiques. Une juridiction internationale dédiée à la justice climatique et environnementale doit être créée pour imposer des règles contraignantes aux États et aux entreprises.

(Photo Hugo Magalhaes)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Back To Top